Lettre  ouverte de l’Union Des Sociaux Démocrates, USD au Président de la République  française, à l’occasion de sa visite officielle En Côte d’Ivoire, le 20 décembre 2019

Lettre ouverte de l’Union Des Sociaux Démocrates, USD au Président de la République française, à l’occasion de sa visite officielle En Côte d’Ivoire, le 20 décembre 2019

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Monsieur Le Président de La République,
C’est avec une certaine surprise que les ivoiriens ont appris l’annonce de votre prochaine visite officielle dans notre Pays.
Monsieur Le Président de la République,
Le Pays que vous visiterez demain matin, est ce Pays là, où pour s’assurer un règne sans partage, le Chef de l’Etat n’a pas hésité à abroger la Constitution de 2010 qui était le fruit d’un large consensus, pour imposer, frauduleusement, malgré un taux de participation inférieur à 10 %, une Constitution taillée sur mesure.
Dans notre Pays, la violation des droits de l’homme, des lois et la caporalisation des Institutions, sont désormais gravés dans le marbre.

Jugeons-en :
Au terme de la Constitution actuelle, le Président de la République nomme le président du Conseil Constitutionnel, organe suprême des élections, ainsi que le président de la haute cour de justice, chargée de juger les membres du gouvernement. En outre, le Président de la République nomme 1/3 des membres du sénat. En dépit des taux de participation historiquement bas, suite au boycott observé par les électeurs, Le Sénat et l’Assemblée Nationale ont été néanmoins imposées à la Nation,
Le Président du Conseil Economique et Social qui doit être élu par ses pairs, a été nommé par décret présidentiel. Le Vice-président de la République qui, au terme des dispositions constitutionnelles, doit être élu sur le même ticket que le Président de la République, a été lui aussi nommé par décret.
L’immixtion de l’Exécutif dans le fonctionnement des institutions et les pressions intempestives exercées sur leurs responsables, ont été, faits inédits dans notre Pays, très récemment dénoncées, successivement par le Syndicat de la magistrature et le Barreau d’Abidjan.
Dans notre pays, la commission électorale, initialement décriée par l’Opposition pour son inféodation structurelle au Pouvoir, a été disqualifiée par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, dans son arrêt du 18 novembre 2016. Malgré cela, une nouvelle commission électorale, encore plus déséquilibrée et moins crédible que la précédente, a été installée de façon unilatérale.
Le Pays que vous visiterez demain, enregistre à ce jour, des niveaux record pour l’indice de pauvreté et la grande misère.
Le niveau atteint par la mauvaise gouvernance en Côte d’Ivoire est à l’aune des détournements massifs de fonds publics, qui se multiplient en toute impunité. Le dernier scandale en date, est la disparition du trésor public, des 103 milliards de francs, récemment révélés par la cour des comptes. Nous sommes là, devant les conséquences et d’une gouvernance sectaire et d’un affairisme débridé au sommet de l’Etat, qui ont provoqué une dislocation de l’économie, un chômage endémique et une fracture sociale profonde, qui ont érodé la cohésion sociale et l’Unité Nationale.
Le Pays que vous visiterez demain, Monsieur le Président, est ce Pays là, dont les organisations politiques et civiles, ainsi que leurs dirigeants, subissent sont empêchées d’exercer leurs activités. Les emprisonnements arbitraires, les détentions sans jugement et des répressions violentes, ne se comptent plus.
Dans notre Pays, les parlementaires et les anciens membres du gouvernement sont chaque jour l’objet de procédures judiciaires abusives, en violation parfaite de leurs immunités et autres privilèges constitutionnels.
C’est d’ailleurs à juste titre qu’un groupe de députés français a très sévèrement jugé, dans un rapport dressé au terme de sa mission en mars 2018, la gestion des droits de l’homme par le régime d’Abidjan.
C’est pourquoi, les ivoiriens à qui vous faites l’honneur de votre visite de demain, restent incrédules. Ils s’étonnent en effet, s’indignent et s’interrogent sur le vrai sens à donner à cette visite qui, à leurs yeux, ressemble fort, de la Part de la France, berceau des droits de l’homme, de l’égalité et de la liberté, à une caution accordés à la dictature à l’œuvre dans notre Pays.
Certes, nous restons conscients, que la résolution de l’ensemble des problèmes graves que nous dénonçons et qui marquent la vie sociopolitique dans notre Pays, relève au premier chef, de la responsabilité des ivoiriens, de leurs organisation civiles et de leurs leaders politiques. A cet effet, nous ne nous déroberons jamais de nos devoirs.
Cependant, nous nous voyons contraints de considérer la France officielle comme une partie du problème ivoirien et par conséquent, une partie de la solution.

La France est une partie de notre problème, par ce qu’elle continue d’ignorer l’importance de sa dette, à l’aune des centaines de milliers des soldats Ivoiriens, enrôlés avec leurs frères d’arme Africains, à l’occasion des deux guerres mondiales et morts pour la France et pour la liberté.
La France est également une partie de notre problème par ce que, par le francs CFA, nous avons nos réserves monétaires, avec une part de notre souveraineté sous contrôle, au Trésor français.
La France est une partie de notre problème, par ce qu’il n’y a pas si longtemps, dans cette crise postélectorale dévastatrice de 2010-2011, dont on nous cache toujours avec une étonnante obstination le nombre exact de morts et, qui continue de marquer très douloureusement la vie des ivoiriens, l’action de l’armée française a posé problème.
Pour ces trois raisons au moins et pour toutes celles que nous n’avons pas citées, la France, partie de notre problème est obligatoirement partie de la solution.
C’est pourquoi, les ivoiriens ne comprennent pas qu’alors que les auteurs des massacres à grande échelle, commis lors de la crise postélectorale, tardent à être poursuivis, le chef de l’Etat français, choisit de laisser dans l’oubli, les centaines de milliers de victimes ivoiriennes de cette guerre cynique, pour rendre hommage à la dizaine de morts français et à un américain, dont les familles elles même, à ce jour, continuent de s’interroger quant aux zones d’ombre singulières, qui demeurent dans les thèses officielles produites pour expliquer le bombardement de Bouaké.
Monsieur Le Président de la République Française, nous comprenons les inquiétudes et l’incompréhension que nombre d’hommes politiques, ainsi que les milieux diplomatiques et économiques français, éprouvent depuis quelques mois, devant la montée d’un sentiment anti-français, dans la majorité des pays africains voisins de la Côte d’Ivoire.
Cependant, nous notons bien que les dirigeants de l’Etat français se succèdent et malgré leurs engagements à innover dans leur politique africaine, engagements pris à la face du Monde, le regard de la France sur notre Continent et sur nos populations, reste marqué par la condescendance et l’infantilisation. De Jacques Chirac, à Emmanuel Macron, en visite à Ouagadougou en novembre 2017, en passant par Nicolas Sarkozy, à DAKAR  en juillet 2017et François Holland à Abidjan en 2012, le prisme par lequel la France officielle regarde et traite notre Afrique et les africains, reste étonnamment figé.
Aussi, quand certains comme Nicolas Sarkosy pensent que ‘’l’Afrique n’est pas rentrée dans l’Histoire’’, tout nous amène à reconnaitre que, la France quant à elle, semble peiner à démontrer sa capacité à entrer dans les siècles nouveaux !
C’est donc dire, Monsieur le Président de la République française, que dans une Côte d’Ivoire, ô combien éprouvée par les effets multiformes de la gestion calamiteuse de ses dirigeants actuels, dans ce Pays qui émerge très difficilement des affres de la guerre qui lui a été imposée, toutes les conditions sont réunies pour que l’incendie d’un sentiment anti-français, qui brûle déjà dans les pays voisins, se déclenche aussi en Côte d’Ivoire.
En vous adressant cette lettre, Monsieur le Président, nous pourrions apparaître, mais loin delà sont nos intentions, comme d’impertinents donneurs de leçon.
Cependant, nous voulons simplement prendre l’occasion de dire notre étonnement, de voir que le Président de la République française, visiter la Côte d’ivoire dans le contexte actuel, sans avoir prévue de rencontrer l’Opposition politique, comme l’avaient fait votre prédécesseur François Hollande. Nous pensons qu’il y avait là par ce que vous restez très informé des réalités de la vie sociopolitique en Côte d’Ivoire, matière à ne ni trahir les idéaux de votre Pays La France.
Pour tout dire, Monsieur le Président de la République française, vous risquez, en effectuant une visite on ne peut plus impromptue, d’être fortement soupçonné d’apporter un soutien sans équivoque à la dictature déjà bien installée et à la dynamique de prédation qui s’exercent sur le peuple ivoirien depuis plus de dix ans. En ces périodes où une élection présidentielle est annoncée, vous pourrez au mépris de votre devoir de réserve, apparaître comme ayant choisi votre camp.

Sachez, le Monsieur le Président, que malgré leur silence parfois trompeur, les ivoiriens ne laisseront jamais aucun Président, de quelque soutien qu’il dispose, effectuer un troisième mandat contre leur volonté et violation de la Constitution.
Placé devant nos responsabilités fondamentales, nous nous sentons plus que jamais le devoir de faire ces alertes et ces interpellations, en direction de notre illustre hôte que vous êtes. Nous le faisons aussi, en nos qualités respectives de porteurs authentiques d’une fraction du suffrage populaire et condamnés à défendre, à temps et à contre temps, les intérêts citoyens et les droits constitutionnels des populations.
Monsieur le Président de La République Française, peut être êtes vous conscient que le Pouvoir d’Abidjan que vous honorez par votre visite demain, est celui là même qui, au terme de tous ces rapports qui depuis lors sont déposés sur votre bureau, participe au trafic qui depuis quelques années déverse sur les côtes européennes des milliers d’Africains.
Peut être êtes-vous également conscients que le Pouvoir d’Abidjan, auquel le Président de La France fait l’honneur de sa visite, est celui là même qui, dans des officines obscures en Côte d’Ivoire et dans les pays voisins, fabrique en série, de fausses pièces d’identité ivoiriennes, en vue d’un hold-up électoral, à la prochaine élection présidentielle. L’exemple des fraudes massives singulièrement à Grand Bassam et dans la commune du Plateau, à l’occasion des dernières élections municipales en atteste de façon patente.
C’est pourquoi, Monsieur Le Président, votre visite pourrait être une occasion, pour la France, de dire aux actuels dirigeants de notre Pays qu’il est temps de passer aux choses sérieuses , par une réouverture des discussions avec l’Opposition, sur la commission électorale et sur les conditions de la démocratie véritable et durable en Côte d’Ivoire.
Faute de le faire, Monsieur Le Président de la République française, vous aurez vous-même contribué à faire le lit ces clameurs anti- françaises, qui s’élèvent ça et là dans les pays aux alentours de la Côte d’ivoire.
En achevant notre lettre, en espérant que vous aurez été sensibles à nos alertes, nous voulons vous le dire avec gravité, Président Emmanuel Macron, AKWABA en Côte d’Ivoire !
Parlez, mais parlez bien, car le Peuple de Côte d’Ivoire vous regarde et vous écoute attentivement !!!

                                                              HENRI NIAVA 
                                                          Président de l’USD                                                                                                                            

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