L’on se rappelle qu’au mois de juin 2018, les pluies diluviennes ont endeuillé de nombreuses familles aussi bien à Abidjan que dans plusieurs localités du pays. Cette année, c’est plutôt la ville de Grand Bassam qui a le plus marqué l’actualité du fait qu’elle soit classée patrimoine de l’UNESCO. En effet, enseveli sous les eaux durant deux semaines à l’issue des pluies diluviennes du mois d’octobre 2019, la promptitude du gouvernement aura permis une évacuation des eaux et un retour à la normale dans cette localité. Suite à cet événement, l’autorité continue de mettre en œuvre des initiatives afin de mieux préparer les acteurs impliqués dans la gestion des catastrophes en Côte d’Ivoire. Ici, nous vous livrons une entrevue exclusive du Dr Kader Touré Secrétaire Exécutif de la Plateforme Nationale de Réduction des Risques et de gestion des Catastrophes (Plateforme Nationale – RRC). Il est à noter, que la structure que celui-ci dirige a été créée par décret n°2012-918 du 10 octobre 2012 et est rattaché au Cabinet de Monsieur le Premier Ministre, Ministre du Budget et du Portefeuille de l’Etat.
Question : Monsieur le Secrétaire Exécutif, après un retour à la normale à Grand Bassam et dans certaines localités du pays suite aux inondations du mois d’octobre 2019, quel est le bilan des actions menées à ce jour et à quoi doivent s’attendre désormais les populations qui depuis quelques temps, se retrouvent chaque année, confrontées à des inondations sans savoir quoi faire.
Réponse : Permettez-moi tout d’abord d’exprimer la compassion et le réconfort de l’autorité aux populations ainsi qu’aux acteurs économiques qui ont été confrontés à plusieurs endroits du pays, aux affres des dernières inondations. Par la même occasion, je voudrais profiter de l’occasion que vous m’offrez pour indiquer que l’Etat de Côte d’Ivoire qui a toujours été présent aux côtés des populations lorsque des situations de crise surviennent, le sera davantage pendant et après toute autre crise ou situation d’urgence qui pourrait survenir à l’avenir et qui pourraient de nouveau affecter la sécurité et la santé de nos populations. Il s’agit là d’une attitude responsable du gouvernement qui n’est plus à démontrer dans la mesure où, la réponse a été immédiate et adéquate à Grand-Bassam et dans les localités concernées par les inondations. Aujourd’hui, les habitants ont retrouvé leur quiétude et vaguent tranquillement à leurs occupations quotidiennes.
Il est également important que nous sachions tous, que les populations en Côte d’Ivoire ne sont pas les seules à être affecté par les phénomènes météorologiques extrêmes que nous observons ces derniers temps. A l’instar des populations d’autres pays à travers le monde, nous sommes tous soumis depuis quelques années à la sévérité accrue des aléas naturels et autres effets du changement climatique. Avec, entre autres, pour conséquences, des inondations fréquentes, l’érosion côtière, la sécheresse, la recrudescence de certaines maladies vectorielles, la dégradation continue des terres et une perte importante de la biodiversité. Ces aléas d’ordre naturel ou anthropique mettent en péril le potentiel économique et humain des pays. Et ce qui est d’ailleurs paradoxale, c’est que ces menaces pèsent non seulement sur l’ensemble de la population et du territoire, mais encore plus, sur des infrastructures particulièrement sensibles dont la préservation et le bon fonctionnement revêtent une importance capitale pour la sécurité nationale et la continuité des fonctions sociétales. Il s’agit d’infrastructures telles que les hôpitaux et centres de santé, les écoles, les marchés publics, les points de fourniture d’eau potable, les réseaux d’alimentation en électricité ou de télécommunication, les gares routières ou ferroviaires, les routes et ponts qui peuvent subir des dommages ou encore être carrément détruites lors d’événements similaires à ce que nous avons connu récemment à Grand Bassam.
Autrement dit, ce qui arrive dans notre pays, arrive ailleurs et nous ne devons pas rester dans une posture de fatalité ou de conjuration de sorts sous prétexte qu’il s’agit d’une volonté de dieu. Les effets des changements climatiques sont un phénomène réel et nous devons tous nous préparer à y faire face.
Pour revenir à votre interrogation, je me permets de la reformuler et de la poser comme telle : qu’est-ce que le gouvernement entend faire, pour mieux prévenir et anticiper sur les actions à mettre en œuvre afin que les populations subissent moins les effets des conséquences des changements climatiques et autres aléas telles que les inondations.
En réponse, je dirai que depuis longtemps, le gouvernement s’est engagé dans la voie de la recherche d’une solution durable. Pour preuve, au-delà de son engagement et de sa participation aux différentes initiatives et rencontres internationales telles que les COP sur les changements climatiques qui se sont tenues à ce jour, toutes les structures de l’Etat impliquées dans la prévention et la gestion des catastrophes sont à pied d’œuvre. En effet, une rencontre d’échange entre les différents acteurs qui ont participé à la gestion de la crise liée aux inondations d’octobre 2019 dans la localité de Grand Bassam, a eu lieu les 12 et 13 novembre dernier à Grand Bassam. Cette rencontre organisée par la Plateforme Nationale RRC avait pour but, d’identifier les forces et les faiblesses observées lors de la gestion de cette crise. Cela, dans le but de pouvoir élaborer un schéma consensuel qui à l’avenir, pourra permettre de réduire substantiellement les pertes économiques ainsi que les conséquences d’un tel événement sur la population. A cette occasion, la Plateforme Nationale RRC a encouragé les acteurs locaux de Grand Bassam à s’engager dans la voie de la réflexion pour ce qui concerne plusieurs axes qui contribueront à l’avenir, à renforcer la résilience tant des populations, des acteurs de l’économie que des infrastructures essentielles. Il s’agit notamment de solutions palliatives qui ont été proposées aux hôteliers et restaurateurs et qui portent entre autres, sur le maintien de la fourniture d’électricité en cas d’interruption prolongée, sur la gestion des naissances ou encore des décès donc des enterrements en période d’inondation et sur la relocalisation des marchés publics ou des établissements scolaires et universitaires. Des solutions ont également été proposées par les experts de la Plateforme Nationale RRC pour ce qui concerne la collecte des données sur les personnes sinistrées à prendre en charge, les difficultés rencontrées dans le domaine de la communication où parfois, l’on se retrouve avec plusieurs porte-paroles qui ne sont pas officiellement mandatés et enfin, la question de la gestion rationnelle des dons recueillis. In fine, une feuille de route a été soumise par la Plateforme Nationale RRC à l’ensemble des acteurs et à Monsieur le Préfet qui a promis de s’en approprier. A la suite de cette activité, nous estimons que si nos responsables de collectivités désirent résolument s’inscrire dans une démarche de résilience face aux catastrophes, un tel modèle doit pouvoir être répliqué partout en Côte d’Ivoire avant que d’autres catastrophes ne surviennent.
Aussi, comme autres activités qui témoignent de l’engagement du gouvernement à soutenir les populations, il convient d’indiquer que le lundi 18 novembre 2019, la Plateforme Nationale RRC a procédé avec le soutien de l’Union Européenne et de la Banque Mondiale, à la présentation officielle à Abidjan du projet du premier plan de relèvement post inondation élaboré suite à un exercice d’évaluation des pertes, dommages et des besoins de relèvement (PDNA) réalisé de juillet à septembre 2018 après les inondations que la ville a connu au mois de juin et pour lesquelles d’ailleurs, un montant d’environ 200 milliards de nos francs est à rechercher en termes en vue de soutenir le processus de relèvement. De même, depuis le lundi 25 au mardi 26 novembre 2019, sous la présidence de Monsieur le Préfet du district de Yamoussoukro, la Plateforme Nationale RRC a procédé à la présentation aux acteurs locaux appelés à gérer les catastrophes, du premier référentiel mondial édité par les Nations Unies pour la mise en œuvre de politique de réduction des risques de catastrophe à travers le monde que constitue le Cadre d’Action de Sendai 2015-2030. A cette occasion également, la suite à la présentation de la toute nouvelle stratégie nationale de réduction risques de catastrophe de Côte d’Ivoire qui a été validée au mois de décembre 2018, ces mêmes acteurs ont vu leur capacité renforcée dans l’établissement des cartes de vulnérabilité des territoires, l’identification des ressources d’intervention disponibles, la réalisation d’opérations de cartographie des risques ainsi que l’élaboration de divers plans de mesures d’urgence. Il convient d’indiquer que plusieurs experts nationaux venus d’Abidjan ont participé aux côtés des acteurs locaux à cet important atelier. Il s’agit notamment des experts de l’Office National de la Protection Civile (ONPC), de la SODEXAM, du Groupement des Sapeurs-Pompiers Militaires, du Ministère en charge de la construction et de l’urbanisme, de l’Environnement, du CIAPOL, etc. pour ne citer que ceux-là.
Question : Monsieur le Secrétaire Exécutif, comme vous le dites, rien n’empêchera à l’avenir la survenue de catastrophes liées aux phénomènes météorologiques extrêmes aussi bien ailleurs qu’en Côte d’Ivoire. Quelles conseils avez-vous à donner.
Réponse : Avant de répondre à votre préoccupation, nous devons tous savoir une chose. Il s’agit du fait que des événements telles que les catastrophes engendrent une désorganisation totale des systèmes mis en place. Que ceux-ci portent sur les moyens de protection sociale, le système de santé et de sécurité, l’économie en général, les infrastructurels ou encore la gouvernance. Et comme je l’ai dit dès le départ, l’Etat de Côte d’Ivoire avec le programme social mis en œuvre présentement par le gouvernement, qui vise l’amélioration continue des conditions de vie des populations donc par ricochet, la lutte contre la pauvreté sous toutes ses formes, entend à tous égards, prendre ses responsabilités. Cela, en mettant en œuvre les solutions idoines en vue de protéger aussi bien les populations que les acquis du développement entendez par là, les infrastructures économiques et les moyens de subsistance des populations. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle désormais renforcer la résilience des communautés face aux catastrophes. Au-delà, le gouvernement est également à pied d’œuvre dans sa démarche de renforcement des capacités des acteurs appelés à gérer non seulement les risques qui induisent des catastrophes mais aussi, à pourvoir l’ensemble des structures d’intervention en matériels et équipements. Dès lors, il devient évident que si nous avons à lancer un appel à l’endroit des populations et des acteurs du développement, c’est de leur demandé de s’inscrire résolument dans un schéma de facilitation et d’accompagnement des actions proposées par le gouvernement. Dans ce cadre d’ailleurs, il me plaît d’informer les responsables de collectivités, l’ensemble des acteurs du développement, de même que les populations, qu’à compter du mois de février 2020, l’institution que j’ai l’honneur de diriger procédera à l’installation dans les 31 régions que compte notre pays, des différents comités régionaux et communaux de réduction des risques de catastrophes.
Pour terminer, comme dernier message à lancer à l’endroit des populations et de l’ensemble des acteurs de la vie socioéconomique, que ceux-ci sachent, que dans le domaine de la gestion des situations d’urgence ou des catastrophes, quel que soit votre degré de préparation, attendez-vous toujours à faire face à des difficultés de tous genres. Certes, les catastrophes, ne surviennent pas quotidiennement, mais lorsque c’est le cas, nul ne dispose de solutions miracles en dehors d’une bonne préparation et coordination. Cela dit, il faudra désormais que nous songions tous à faire de la réduction des risques de catastrophe (RRC) une priorité d’action en intégrant cette notion dans tous nos plans sectoriels de développement. Grand Bassam devrait être par ailleurs, un exemple illustratif de cette nécessité. Il est vrai qu’une solution a été trouvée au problème de désensablement de l’estuaire de l’embouchure qui a occasionné la remontée des eaux aussi bien à Grand Bassam qu’en amont à savoir dans les localités qui bordent les différents effluents, toutefois cela ne saurait empêcher de continuer les réflexions dans le sens de la planification des actions futures à mener en vue de pallier les faiblesses déjà observées dans la coordination des actions lors de la gestion des récentes crises. Enfin, il faudrait que nous sachions tous, qu’une bonne démarche de planification dans le domaine des mesures d’urgence ne doit pas être vu comme une action ponctuelle, mais plutôt, comme une quête permanente de perfection étant entendu que nul ne peut prédire la durée ni l’aboutissement d’une catastrophe.