Compétitivité de l’Industrie Manufacturière Ivoirienne

Compétitivité de l’Industrie Manufacturière Ivoirienne

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L’agriculture et l’agro-industrie attirent peu les investisseurs en Côte d’Ivoire
Le dynamisme économique de la Côte d’Ivoire ne se dément pas. Hier, le directeur général du Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (Cepici), Emmanuel Esmel Essis, a annoncé que 6 664 sociétés ont été créées entre janvier et juin, contre 4 961 sur la même période en 2015. Le « taux de réalisation » a été de 102%, a-t-il précisé, soit 57 entreprises créées par jour, rapporte APA.
Quant aux investissements agréés, « la Côte d’Ivoire enregistre 103 sociétés agréées de janvier à juin 2016 contre 76 en 2015 pour la même période, soit une hausse de 36%, ce qui représente FCFA 219 milliards (€ 332,8 millions, Ndlr.) en volume des investissements contre 174,8 milliards (€ 265,7 millions, Ndlr.)en 2015, soit, 25% de progression », a-t-il précisé.
Mais l’agriculture et l’agro-industrie n’ont guère le vent en poupe : les entreprises de services représentent 46% de ces nouveaux investissements, le commerce 30% et le BTP 13%.
Enfin, sur le dernier trimestre, Emmanuel Esmel Essis a reconnu qu’il y a encore du travail à faire pour ‘’atteindre l’objectif de FCFA 810 milliards d’investissements fixé cette année’’, rappelant qu’au titre du PND 2016-2020, le Cepici doit mobiliser FCFA 5 500 milliards.

Après plus de dix ans de conflits et de crises socio-politiques, l’économie de la Côte d’Ivoire connait une embellie considérable avec des taux de croissance du PIB de 10,7% en 2012 et 8,7% en 2013. Malgré de forts taux de croissance économique observés depuis 2012, la réduction de la pauvreté reste en grande partie encore à accomplir. Une fraction importante de la population est sans emploi ou sous-employée et plus de 42% des Ivoiriens étaient sous le seuil de pauvreté en 2012. Pour devenir un pays émergent et créer des emplois pour réduire la pauvreté, le pays a besoin d’une transformation structurelle de son économie, dominée par l’agriculture, avec plus de 60% de la population active qui y travaille toujours. Dans cette perspective et pour assurer le fort taux de croissance durable qui lui permettra de devenir un pays émergent à l’horizon 2020, il est nécessaire que la Côte d’Ivoire développe son secteur industriel et son tissu de PME et réalise son avantage comparatif, autant dans l’agro-industrie par la diversification et le développement d’activités à forte valeur ajoutée que dans les autres industries manufacturières, notamment celles à forte intensité de main d’œuvre.
L’industrie manufacturière occupe une place importante dans l’économie ivoirienne, en termes de valeur ajoutée et d’emplois. Même si sa contribution au PIB en valeur relative est en déclin sur les deux dernières décennies – essentiellement dû à la montée d’autres secteurs à forts taux de croissance comme le pétrole, l’exploitation minière et le BTP — elle reste toujours parmi les plus fortes en Afrique de l’Ouest et représente en 2013 presque 4 milliards de dollars en valeur ajoutée et plus de 540 000 emplois. Une cartographie de l’industrie manufacturière ivoirienne révèle la place très importante des industries agro-alimentaires (52% de la valeur ajoutée et 48% des emplois) et une forte concentration sur seulement deux branches industrielles (raffinage pétrolier et transformation du cacao) qui cumulent à elles seules presque la moitié du chiffre d’affaires de l’industrie. Mais le secteur manufacturier moderne, qui compte pour environ un tiers de la valeur ajoutée de l’industrie, est peu créateur d’emplois. Seulement un salarié sur sept du secteur industriel travaille dans le secteur moderne (c’est-à-dire industries répertoriées par la Centrale des Bilans, et soumises au régime normal réel d’imposition). La « productivité apparente du travail » est deux fois et demie plus élevée dans le secteur moderne que dans le reste du secteur industriel, et la faible productivité de l’industrie hors secteur moderne, composé de petites entreprises et du secteur informel, se reflète ainsi dans une rémunération faible des employés, souvent largement en dessous du salaire minimum. Il y a donc un immense réservoir de main d’œuvre faiblement productive et peu rémunérée qui pourrait être disponible pour une industrie manufacturière intensive en emplois.
Une stratégie qui vise à développer l’avantage comparatif du pays dans le secteur manufacturier – adoptée avec succès par des pays du Sud-Est asiatiques pourrait être le moteur d’un processus de transformation structurelle vers des produits à plus forte valeur ajoutée. Ce processus aurait également un impact positif sur la demande agrégée et des effets d’entraînement sur les secteurs primaire et tertiaire de l’économie. De plus, comme illustré par la publication de la Banque Mondiale « L’industrie Légère en Afrique», l’Afrique Sub-Saharienne a le potentiel d’attirer une partie de la production intensive en main d’œuvre qui est actuellement en Chine mais qui devient de moins en moins compétitive à cause de la forte augmentation des salaires ces dernières années. Les conditions dans lesquelles la Côte d’Ivoire pourrait bénéficier de cette tendance sont examinées dans la présente étude. Il convient cependant de placer une telle perspective dans le contexte ivoirien. Le pays dispose d’un avantage comparatif incontestable dans l’agriculture et l’agro-industrie qui resteront encore pour longtemps les sources de croissance les plus importantes, notamment si des améliorations de productivité et une valorisation économique des matières premières locales sont réalisées.
Selon l’Indice global de la Compétitivité du Forum Économique Mondial et en fonction de son niveau de PIB par tête (1 291 dollars américains en 2013), la Côte d’Ivoire est parmi les pays où le coût des facteurs de production reste déterminant pour la compétitivité. La compétitivité efficience et l’innovation jouent un rôle moindre à ce stade. La présente étude complète d’autres études sur la compétitivité de l’industrie ivoirienne récemment publiées. Parmi le grand nombre de facteurs qui déterminent la compétitivité, elle met en exergue quatre facteurs particulièrement contraignants et illustre les constats par des études de cas. Une politique industrielle ayant pour objectif la transformation structurelle de l’économie pourrait adopter une stratégie qui consiste à alléger ces contraintes en priorité, tout en poursuivant parallèlement l’effort plus vaste d’amélioration du climat des affaires en général. Une telle stratégie justifie aussi le ciblage de goulots d’étranglements ayant le plus d’incidence négative sur les secteurs spécifiques porteurs de croissance par rapport à une approche transversale.
Si l’objectif du Gouvernement est effectivement d’a 5. Si l’objectif du Gouvernement est effectivement d’attirer des industries intensives en main d’œuvre, le facteur travail revêt une importance particulière. L’analyse détaillée du coût du travail révèle que la Côte d’Ivoire n’est pas actuellement un pays à bas salaires malgré son avantage comparatif théorique basé sur l’abondance d’une main d’ouvre non qualifiée. Ce constat s’explique par la dualité entre le secteur industriel formel moderne et le secteur informel qui est plus proche de l’avantage comparatif du pays. Pour attirer des industries intensives en main d’œuvre dans le secteur moderne, la Côte d’Ivoire devrait dans le moyen terme éviter une trop forte progression du salaire minimum, et favoriser une flexibilité accrue dans l’utilisation du facteur travail, par exemple dans des zones économiques spéciales si elles sont réalisées. Ce constat vaut surtout pour les industries classiques intensives en main d’œuvre comme la confection, chaussures et maroquinerie, articles en bois, etc. Par contre, pour certaines industries basées sur une ressource locale, comme la transformation manuelle de la noix de cajou et du poisson, l’avantage-prix procuré par la matière première locale peut dès à présent compenser le coût relativement élevé du facteur travail.
L’étude insiste cependant sur le fait que les industries agro-alimentaires à l’exportation intensives en main d’œuvre sont actuellement peu nombreuses en Côte d’Ivoire. La plupart des agro-industries ivoiriennes sont très capitalistiques et créent relativement peu d’emplois dans le segment industriel de la chaîne de valeur, à opposer au segment agricole (constat illustré par la transformation du cacao brut en masse de cacao).
Si le coût du travail dans le secteur moderne ne procure pas actuellement un avantage compétitif à la Côte d’Ivoire, quels sont les autres facteurs qui peuvent contribuer à la compétitivité de l’industrie manufacturière ? En dehors de l’abondance des matières premières, deux facteurs de coût recèlent un avantage latent qui pourra à l’avenir partiellement compenser le surcoût du facteur travail : la qualité des infrastructures et la disponibilité du foncier (terrains industriels). Pour le moment, ces deux facteurs constituent plutôt des contraintes à lever. Mais en matière d’infrastructures, d’énormes efforts d’investissements sont réalisés qui pourront bientôt en coûts (le Port d’Abidjan est l’un des ports les plus chers de la côte ouest-africaine selon Doing Business) et sur les aspects institutionnels de la logistique du transport (formalités du passage portuaire, y compris douane, quota sur le transport routier avec les pays de l’hinterland, etc.).
La disponibilité de terrains industriels est actuellement une contrainte majeure pour le développement du secteur. De profondes réformes sont en cours et seront poursuivies pour réhabiliter les zones industrielles existantes et offrir de bonnes prestations. De futures zones économiques spéciales pourront également procurer un accès à des terrains biens desservis, en dehors de leurs autres avantages. Le corollaire de cette politique est une forte augmentation des loyers qui – si elle est justifiée dans son principe – doit être surveillée de près pour que l’actuelle contrainte d’accès ne se transforme pas en facteur de coût qui pénaliserait surtout les PME. Le coût de l’électricité constitue une 4ème contrainte pour le développement du secteur manufacturier, alors que la régularité de l’approvisionnement s’est beaucoup améliorée et représente plutôt un atout en comparaison avec beaucoup d’autres pays africains.
L’étude analyse ensuite l’impact de ces quatre contraintes sur différentes catégories d’entreprises. Pour chaque contrainte, l’impact spécifique sur certains types d’industries est analysé, sans établir une hiérarchie parmi les quatre contraintes. L’importance des contraintes varie en effet selon une typologie basée sur l’utilisation plus ou moins intensive des facteurs 8. L’étude analyse ensuite l’impact de ces quatre contraintes sur différentes catégories d’entreprises. Pour chaque contrainte, l’impact spécifique sur certains types d’industries est analysé, sans établir une hiérarchie parmi les quatre contraintes. L’importance des contraintes varie en effet selon une typologie basée sur l’utilisation plus ou moins intensive des facteurs de production (industries intensives en main d’œuvre, fortes consommatrices d’électricité, etc.), indépendamment de la traditionnelle classification sectorielle basée sur la matière première (textile, cuir, papier, métallurgie, etc.).
En plus des quatre contraintes majeures analysées par l’étude, la promotion de la compétitivité industrielle devrait aussi être accompagnée par le développement d’un tissu de PME fortes, dynamiques, et intégrées avec les secteurs à forte croissance. Pour ce faire, il sera important d’identifier et de juguler les contraintes spécifiques qui affectent les PME ivoiriennes. Ces contraintes incluent: (i absence d’une stratégie globale d’appui au développement des PME ; environnement des affaires moins favorable en dépit des améliorations au cours des dernières années ; (iii) coûts des facteurs élevés ; (iv) faiblesse des organisations sectorielles et professionnelles ; insuffisante concertation entre les PME et le secteur public faible développement de clusters performants ; (vii) faible accès au financement ; difficile accès aux marchés publics et privés ; (ix) déficit de capacité managériale ; (x) déficit de ressources humaines bien formées avec les capacités techniques requises ; et (xi) faible développement de la culture d’entrepreneuriat. Le rapport aborde brièvement ces contraintes, déjà traitées de façon relativement exhaustive dans d’autres études.
Pour conclure, on s’interroge sur les priorités d’une politique industrielle qui pourrait booster la compétitivité du secteur manufacturier. Il s’agira d’une politique industrielle basée sur l’avantage comparatif, tout en ciblant des mesures ayant pour objectif de compenser en partie les contraintes actuelles, en attendant que les investissements conséquents en infrastructure et dans beaucoup d’autres domaines, déjà réalisés ou en cours, et les réformes entreprises portent leurs fruits. Deux axes stratégiques sont dégagés: Les agro-industries pour lesquelles il existe des opportunités de forte valeur ajoutée, et les autres industries manufacturières qui pourront soit bénéficier des atouts existants de la Côte d’ivoire sur le marché local et régional, soit transformer l’avantage comparatif latent de la Côte d’Ivoire dans les industries intensives en main d’ouvre en avantage compétitif dans un futur proche. La structure actuelle du secteur manufacturier ivoirien, relativement intensive en capital, n’est en effet pas alignée avec son avantage comparatif dans la concurrence internationale. De ce fait, il est probable que le modèle d’industrialisation du passé, reflété dans la structure actuelle, sera difficilement transposable pour atteindre les objectifs de l’émergence en 2020 et au-delà, en termes de création d’emploi et de développement socioéconomique. La section du rapport consacrée aux axes stratégiques de la future politique industrielle contient par conséquent des options pour infléchir ce modèle et pour favoriser le développement d’industries intensives en main d’œuvre, plus conforme à l’avantage comparatif du pays sur le marché mondial, à côté du secteur des agro-industries qui réalise déjà un deuxième avantage comparatif du pays et qui restera encore pour longtemps la locomotive de l’économie.

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