À Nazareth (Israël), une maison taillée à flanc de colline, datant du Ier siècle de notre ère, pourrait avoir vu grandir Jésus. C’est la thèse défendue Dr Ken Dark, archéologue britannique de la Reading University. Son article, publié dans la revue américaine Biblical Archeology Review (numéro mars-avril), fait grand écho sur la toile.
La maison, de pierres et de mortier, est taillée dans un flanc de colline calcaire. Elle abrite une série de pièces et d’escaliers. L’entrée, ainsi qu’une partie du sol original en craie, ont été retrouvées presque intactes. Si l’archéologue reconnaît qu’il est impossible de l’affirmer avec certitude, il n’y a « aucune bonne raison » de ne pas croire qu’il s’agirait de la maison de Jésus, affirme-t-il.
Sur quels éléments s’appuie le Dr Dark ? Les ruines de la maison ont été incorporées dans des églises de l’époque byzantine, puis lors de la période des croisades, au XIIe siècle. « De grands efforts ont été faits pour inclure les vestiges de ce bâtiment. À la fois les tombes et la maison ont été décorées de mosaïques à l’époque byzantine, ce qui laisse penser qu’elles étaient d’une importance spéciale, et peut-être vénérées », écrit l’archéologue britannique dans son article repris par le Times of Israel.
Chronique du VIIe siècle à l’appui
En outre, depuis le début de la recherche, en 2006, divers objets de calcaire ont été retrouvés par Dark et son équipe. Ce qui suggère qu’une famille juive vivait là-bas. Le peuple juif croyait, à cette époque, que les objets en calcaire étaient plus purs.
Un texte du VIIe siècle pourrait venir en soutien à la thèse de l’archéologue : le De Locis Sanctis (Au sujet des Lieux Saints) de l’abbé irlandais saint Adamnan. Rédigé en 670, il fait la chronique des voyages en Terre sainte du moine gaulois Arculf. Celui-ci décrit la maison du Christ comme étant située entre deux tombes et sous une église. Ce que confirme l’archéologue.
La découverte du site ne date pas d’aujourd’hui. La maison est située sous le couvent des Sœurs de Nazareth. Les nonnes, qui avaient découvert le site dans les années 1880, avaient effectué les premières fouilles. « Elles sont tombées sur un enchevêtrement de constructions datant du Ier siècle jusqu’au Moyen Âge. Tout au fond, elles ont dégagé une maison de village antique et leur ferveur, respectable, leur a fait dire que c’était la maison de Jésus », explique, dans La Croix, le dominicain Jean-Baptiste Humbert, directeur du laboratoire d’archéologie de l’École biblique et archéologique de Jérusalem.
D’autres recherches ont été conduites par Henri Senes en 1936. Enthousiaste, ce prêtre jésuite avait confirmé cette identification « en se fondant sur le témoignage d’Arculf. Mais le témoignage d’Arculf est postérieur de 500 ans à la mort du Christ. Arculf n’avait pas plus de preuves que les religieuses. Il en est même pour nous aujourd’hui », tempère Jean-Baptiste Humbert, toujours dans La Croix.
Un vestige parmi d’autres ?
La thèse du Dr Dark est-elle réaliste ? « C’est tout à fait plausible », admet le dominicain Philippe Jeannin, ancien animateur et producteur du Jour du Seigneur, dans une interview au Figaro. Mais, poursuit-il, « rien ne prouve qu’il s’agisse bien de la demeure d’enfance du Christ. Déjà en 2009, des vestiges d’une masure avait été mis au jour près de l’église de l’Annonciation par l’Israel Antiquities Authority, à l’occasion de la construction du Centre international Marie de Nazareth. À l’époque, plusieurs archéologues affirmaient que Jésus avait sûrement connu le lieu découvert et avait même habité la maison. »
Dans un courriel au Huffington Post américain, le Dr Dark le reconnaît : « Il est toujours très difficile de relier des preuves archéologiques à des personnes spécifiques. » D’autant plus difficile que « la Palestine est le pays le plus densément fouillé au monde, rappelle le dominicain Jean-Baptiste Humbert, dans La Croix. Chaque jour, sortent de terre des vestiges archéologiques de toutes les périodes. Si on trouve à Nazareth des restes du Ier siècle, la tentation est forte de croire qu’on peut les lier au Jésus de l’histoire. La chance est trop belle pour la laisser passer. »