Dans six mois, se tiendront les élections présidentielles. Le processus est enclenché. Les candidatures déclarées se préparent pour l’ultime round. Les tractations entre alliés traditionnels sont en cours. Il faut passer haut les mains dès le premier tour. Y aura-t-il un effet de surprise à l’issu du vote ? On a connu le pire.
ALASSANE OUATTARA, LE FAVORI
« On sait déjà qui va gagner ». Ces propos d’un baron du régime reflètent l’état d’esprit dans lequel le Chef de l’État ivoirien se trouve en ce moment. Les quatre années d’exercice sans partage du pouvoir ont permis à ADO d’assoir son appareil. Il compte bien s’en servir pour remplier un second mandat. Le dernier.
Son duo avec Henri Konan Bédié (Président du PDCIRDA) a permis de consolider sa position de favori. Avec le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), ses adversaires auront du mal à l’éjecter de son fauteuil.
Mais en Côte d’Ivoire, rien n’est gagné d’avance. On se rappelle qu’au deuxième tour des présidentielles de 2010, malgré cette alliance, les résultats étaient (légèrement) serrés.
Ses reformes sur la nationalité lui ont permis de naturaliser des milliers d’étrangers, généralement à lui favorables. Ils vont peser lourd dans la balance. Déjà tétanisés et dispersés, les adversaires de Ouattara devraient donc être pulvérisés, au premier tour.
Le Président sortant a un bilan qui milite en sa faveur ainsi que le soutien de la communauté internationale. Ses solutions sont visibles à travers les infrastructures économiques. Aussi, il exerce un parfait contrôle sur l’armée et la justice. La première. Même si elle est fébrile, reste à ses ordres et est prête à assurer l’ordre, à tout moment, sur l’ensemble des 322.463 km2. La seconde. Supposée indépendante, a vite fait d’expédier les procès des prisonniers politiques. Réglant du coup le compte de ses adversaires les plus farouches.
Le talon d’Achille du « Bravetchê » reste incontestablement le manque de résultats probants pour la réconciliation nationale. Il est encore sous pression de ses plus fidèles partisans réclament justice. Et le manque d’impact réel au plan social, quoique plébiscité pour des indicateurs macro-économiques favorables. L’épineuse question d’emploi (des jeunes) peine à trouver sur une oreille attentive chez les 5 millions de chômeurs. Sa réélection passe par là aussi.
LAURENT GBAGBO, L’OUTSIDER
L’ex opposant historique d’Houphouët Boigny aurait pu prendre sa revanche, s’il était libre, au pays. Aujourd’hui, son véritable combat, c’est de pouvoir être président puis candidat officiel de sa formation politique. Le Front Populaire Ivoirien (FPI) est au bord de l’implosion. Malgré son incarcération dans les cellules de Scheveningen, attendant que son procès s’ouvre, certains de ses partisans continuent de croire en leur champion. « Il n’est pas trop tard pour qu’il soit le candidat du Parti », m’a confié un de ses proches (sic). Il peut encore compter sur ses alliés d’hier. Les membres de l’ancienne majorité présidentielle(LMP).
Les irréductibles affirment même qu’alors qu’il était à l’opposition, en 2000, il avait réussi à déjouer tous les pronostics. Les observateurs avisés ne l’annonçaient pas de sitôt à la tête de la Côte d’Ivoire. Surtout avec la vague de démission au sein de son parti après le boycott actif de 1995.
« Le boulanger » comme aime à l’appeler ses détracteurs, a plus d’un tour dans son sac. Le « woody » n’a pas encore finit de faire parler de lui. Aux mains de la Cour Pénale Internationale(CPI) qui l’accuse de crime contre l’humanité, son séjour à la Haye pourrait être plus bref que prévu. L’enfant terrible de MAMA continue encore de clamer qu’il est le vainqueur de la présidentielle de 2010.
Les années sont passées. Mais ses sympathisants ont gardé la même ferveur. À l’intérieur comme à l’étranger, ses compagnons de lutte s’activent pour le retour de leur héros. Si c’était le cas, alors, Octobre 2015 restera longtemps dans les annales de l’histoire de la Côte d’Ivoire.
LES CHALLENGERS
Ils ont des parcours différents mais une chose en commun : Ouattara doit partir. Réussiront-ils à relever les défis de la candidature unique ? Ce n’est pas si sûr, tellement leurs appétits sont aiguisés. Pourtant, ils sont conscients qu’en allant dispersés, à ce scrutin, il leur sera difficile de battre Ouattara. Le Président Sortant veut gagner ces élections, à la soviétique, au premier tour. Comme ça, le chapitre sera clos. Et donc, plus besoin de faire de calculs interminables. Sa position actuelle ne l’autorise pas à aller à un second tour. Ce serait un échec inavoué.
Dans l’éventualité de la candidature unique, il faut absolument deux choses aux challengers. 1. La caution de Laurent Gbagbo. Ils ont commencé à le séduire. Les voyages à la Haye l’en attestent. 2. Il faut le FPI ne présente pas de candidat en son sein. Affi N’Guessan (Président par Intérim du parti frontiste) et ses affidés pourraient-ils accepter un tel deal ? Attendons de voir !
Charles Konan Banny, Kouadio Konan Bertin (KKB), Mamadou Koulibaly et désormais Anaky Kobenan ont du pain sur la planche. Cette équation à multiples inconnues pourrait s’ils n’y prendre garde, leur rester à la gorge. Ce serait la retraite anticipée pour la plupart.
LES TOCARDS
Des candidats malheureux de l’élection présidentielle de 2010 pourraient ne pas se présenter à cette échéance. Ils ont, d’une manière ou d’une autre, été affecté par la crise postélectorale. Pour les positions affichées pour (ou contre) un des candidats du second tour. C’est le cas de citer Anne Jacqueline Lohoues Oble, Dolo Adama (Adama Dahico) et Henri Tohou.
À l’exception de ceux-ci, il faut s’attendre à de nouvelles têtes. Des personnalités qui participent à l’élection présidentielle pour d’autres objectifs : Se faire connaitre. Ils espérèrent ainsi avoir un poste important, au moment venu. À défaut, une légitimité pour les élections locales.
Ces candidatures ne pèsent pas lourd dans la balance. Même réunies. Mais, elles peuvent influencer le vote par leurs consignes. Surtout en cas de second tour. Ces personnalités, généralement correctes, ne devraient pas être des causes de troubles. Bien au contraire, elles participent à la consolidation du scrutin.
Martial Ahipeaud, Secrétaire Général de la Fédération Estudiantine et Scolaire (FESCI) de 1990 à 1993, a ouvert la liste.
LA VIABILITÉ DU PROCESSUS ÉLECTORAL
Les ivoiriens sont engagés à participer à un processus électoral consensuel. Les observateurs avisés affirment que seule la prise de mesures capable de rétablir la confiance entre les différents acteurs politiques peut garantir le succès du processus. Et que même avec une élection techniquement bien organisée, l’élection pourrait toujours conduire à des violences.
Des nombreuses questions suscitent encore débat et pourraient fragiliser voire anéantir la fiabilité du processus. Il s’agit principalement du Code électoral et de la Commission Électorale Indépendante (CEI).
Les arrangements opérés au plan règlementaire (par décret présidentiel ou loi-parlementaire) permettraient à Alassane Ouattara de contrôler l’ensemble du processus. ADO a soigneusement placé ses hommes de mains à la tête des différentes structures : CEI, Conseil Constitutionnel et Cour Suprême.
Rebelote. L’éternel démon sur l’éligibilité des candidats refait surface. Alassane Ouattara ainsi que Laurent Gbagbo ne seraient pas éligibles. Le premier pour sa nationalité et le second pour son droit civique.
En attendant de soumettre l’amendement de la Constitution aux ivoiriens après la présidentielle d’Octobre 2015, la classe politique doit s’accorder sur une élection ouverte, pour tous à tous, comme en 2010. Seul le CONSENSUS devrait permettre d’apaiser les tensions inutiles et de réaffirmer les engagements pris une réconciliation vraie des ivoiriens.
La crise s’est calmée. Mais elle n’est pas finie. Elle le sera seulement si cette génération de leaders politiques s’en va. Les questions des litiges étant beaucoup plus liées aux personnalités politiques elles-mêmes qu’à autres choses. Les leaders politiques actuels jouent tous leur dernière carte. Ils seraient donc prêts à tout. Le pouvoir. Alors vigilance !
Moustapha MAÏGA