Un enfant naît apatride toutes les 10 minutes dans seulement cinq pays. Ces cinq pays représentent plus de la moitié de la population mondiale connue d’apatrides. Ils ne fournissent pas de garanties juridiques permettant d’empêcher que les enfants ne deviennent apatrides.
Nombreux tombent dans des sables mouvants juridiques le jour même de leur naissance, passent la plus grande partie de leur vie à se battre contre les inégalités dont ils ont hérité, et dans la plupart des cas transmettent leur douleur aux générations futures. L’enregistrement de la naissance d’un enfant apatride peut même s’avérer impossible, faisant de ce nouveau-né une ‘non personne’ immédiate aux yeux des gouvernements. Cet enfant estsujet à des abus et un rejet potentiels, allant de l’absence d’accès à des immunisations vitales à la protection contre le mariage précoce. Après avoir été obligé de présenter le certificat de décès de son grand-père pour confirmer sa nationalité, Hussain, un jeune Kenyan s’interroge, « Pouvez-vous imaginer que quelqu’un vous demande quelque chose que vous ne possédez pas ? On vous demande de donner une preuve alors que vous ne savez pas
vraiment comment le prouver. Quand mon grand-père est mort, je n’étais même pas né. » Le risque que des enfants non enregistrés restent apatrides augmente quand le conflit les force à fuir leur foyer ou quand ils sont nés en exil. Plus de 50 000 enfants sont nés de parents réfugiés syriens en Jordanie, en Irak, au Liban, en Turquie et en Egypte depuisle début du conflit. La plupart ont droit à la nationalité syrienne mais ceux qui n’ont pas d’enregistrement civil de leur naissance pourraient rencontrer des problèmes sérieux pour le prouver plus tard dans leur vie.
Mais l’enregistrement n’est pas toujours une procédure facile pour les réfugiés. En raison du conflit, de nombreux réfugiés ont perdu les documents d’identité exigés pour enregistrer les naissances des enfants réfugiés dans le pays d’asile. Des difficultés se posent également pour enregistrer les enfants nés hors mariage ou de parents dont le mariage religieux n’a pas été officiellement enregistré. Au Liban, une enquête du HCR a constaté que 78 % des nouvelles naissances n’étaient pas enregistrées auprès des autorités libanaises par les réfugiés syriens. Des recherches supplémentaires sont en cours pour évaluer l’ampleur du problème dans les autres principaux pays d’asile. Le HCR continue de coopérer avec les autorités nationales pour simplifier les conditions d’enregistrement et pour rendre l’enregistrement civil des mariages et des naissances plus accessible aux réfugiés. Il a également lancé une campagne de sensibilisation massive en coordination avec l’UNICEF et d’autres partenaires pour expliquer les procédures aux réfugiés, notamment par des brochures et des vidéos explicatives diffusées dans les bureaux d’aide, les camps et les lieux d’enregistrement.
L’éducation est une question particulièrement épineuse. Les enfants apatrides peuvent se voir refuser la permission de fréquenter les écoles publiques et d’effectuer des études supérieures et être stigmatisés par les enseignants comme par les autres élèves. L’humiliation etles menacessont parfois employées. « Les enseignants entrent dansla classe et demandent à ceux qui n’ont pas de carte d’identité de lever la main », se souvient une jeune fille de République dominicaine. « Et ceux qui ont des cartes d’identité taquinent ceux d’entre nous qui n’en ont pas. Ils disent ‘les camions arrivent pour vous déporter. Vous ne pouvez pas passer vos examens. Vous perdez votre temps. Vous ne ferez rien de votre vie.’ » Au Myanmar, seuls 4,8 % des filles apatrides et 16,8 % des garçons apatrides terminent l’école primaire, contre 40,9 % et 46,2 % des filles et des garçons de nationalité birmane. Des enfants réussissent parfois à vaincre le sort et le résultat peut être spectaculaire. Sans se laisser dé- monter, de nombreux enfants apatrides sont parvenus à réaliser de grandes choses.