Investiture du Chef du Parlement béninois Adrien HOUNGBEDJI

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Allocution de Guillaume SORO à l’investiture du Chef du Parlement béninois Adrien HOUNGBEDJI

(…) Mesdames, Messieurs.

C’est au Peuple Béninois, vibrant de vie et dont l’exubérante vitalité est une leçon d’optimisme et de gaieté que je tiens, en tout premier lieu, à remercier, de façon aussi sincère que chaleureuse, pour l’accueil exceptionnel qui a été réservé à moi-même et à ma délégation.

En second lieu, permettez-moi de féliciter particulièrement, celui-là même qui est l’ancien mais le tout nouveau Président de votre Parlement, Maître Adrien Houngbedji, ainsi que tous les députés de cette nouvelle législature.

Merci à tous de nous avoir permis de participer à cette cérémonie d’investiture. Sachez que, chacun des Députés qui m’accompagnent se fera un devoir de répercuter fidèlement auprès des siens, le généreux message de solidarité fraternelle que vous nous avez ainsi livré.

Monsieur, le Président Houngbédji et cher frère,

Je lisais tantôt dans la presse qu’un triple saut remarquable avait été réalisé par un Béninois : de là à penser qu’il s’agissait de l’élection d’Adrien Houngbedji au Perchoir pour la troisième fois, il n’y avait qu’un pas que j’ai franchi allègrement…
Pour m’apercevoir rapidement qu’il était en fait question de son neveu, Marc Houngbedji, brillant spécialiste du triple saut !

Cet esprit de compétition, est comme une marque de fabrique du Peuple Béninois car ce Peuple est de ceux qui considèrent que rien d’heureux ne naît du hasard et que les nations, comme les personnes, sont ce qu’elles se font : ceux qui les servent avec conscience et avec grandeur, comme s’efforcent de le faire tous les représentants de la nation que nous sommes, sont ceux qui parviennent à développer les forces profondes des peuples, qui ne demandent qu’à être révélées au grand jour.

Monsieur le Président,
Honorables Députés,

C’est un plaisir et un devoir dont je suis fier de me charger, que de vous adresser également les salutations du Président de la République de Côte d’Ivoire, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, qui se félicite chaque jour des relations cordiales qu’il entretient avec le Peuple Béninois.

J’ai le grand honneur d’être porteur de son message personnel de salutations très fraternelles à son Homologue, Son Excellence Monsieur Yayi BONI, Président de la République sœur du Benin.

Honorables Députés,

Dès mon élection, j’ai accordé la priorité à ces visites de proximité qui m’ont permis de sillonner notre sous-région et de partir à la rencontre de ces grands bâtisseurs que furent les Pères Fondateurs de nos États, Félix Houphouët-Boigny, Maurice Yaméogo, Hamani Diori et Hubert Maga, initiateurs inspirés du Conseil de l’Entente et, à travers ce modèle institutionnel, piliers symboliques d’une unité africaine en émergence, car malgré les turbulences économiques et les errances politiques, notre grand Conseil a survécu et il a su se réformer et s’adapter.

En arrivant à Cotonou, j’ai eu le sentiment d’avoir accompli un long périple initiatique, aux cœurs battants de notre sous-région, et qu’aujourd’hui, la boucle est bouclée et le pèlerinage de reconnaissance achevé.

Mais comme chaque point d’un cercle en est en même temps le début et la fin, je sais bien que cette belle aventure de l’entente cordiale entre les nations jumelles de l’Afrique de l’Ouest ne fait que commencer et je me réjouis du fait qu’elles soient, encore et encore plus aujourd’hui, enclines à œuvrer de concert pour un mariage réussi entre développement et démocratie.

Honorables Députés,
Chers Collègues,

Notre aventure ne fait que commencer, car c’est au cadran solaire de cet axe Abidjan Cotonou que se mesurent les heures de notre Entente et les minutes de notre coopération : au cours de ce long périple, il m’a été donné de refermer le cercle de notre famille et de reconstruire la parabole de nos fidèles amitiés.

Ce cercle, cette parabole, sont parvenus, malgré les épreuves et les crises, à résister à l’érosion du temps et à la corrosion des illusions.

Nos illustres prédécesseurs ne sont plus, mais les brillantes leçons que nous avons reçues de ces Instituteurs de la République sont toujours présentes en notre âme, comme demeurent les Institutions qu’ils ont créées et dont il nous revient de rallumer sans cesse la généreuse flamme.

Je vois à plusieurs signes qui ne trompent pas, que tel était le dessein du Tout Puissant que de nous voir ainsi dessiner notre destin :

Il y a un premier signe, c’est celui de l’environnement géo-climatique particulièrement favorable dont bénéficie notre sous-région : n’y a-t-il pas en effet, dans cet immense cercle de terres fertiles et abondamment irriguées que renferme et protège le bassin du Niger, une véritable harmonie préétablie entre tous les pays qui en bénéficient, et tous les peuples de la région, si privilégiés par la nature, n’étaient-ils pas par là même invités à la mettre en valeur et à en partager équitablement les fruits ?

Nous sommes tous des enfants du Niger et nous pouvons nous réjouir d’avoir à notre disposition tant de ressources encore inexploitées que, par anticipation et par précaution, Dame Nature a bien voulu déposer dans le berceau de nos sociétés.

Je vais vous faire une confidence et, ça ne vous surprendra pas, elle s’inspire de la mythologie du peuple Sénoufo :

quand j’embrasse d’un regard panoramique cette vaste région de l’ouest de l’Afrique, protégée comme un cocon par l’arc majestueux du fleuve Niger, une image me traverse l’esprit, celle de Kolotiolo, le Dieu le plus puissant de notre Panthéon, dont la rotondité du ventre bombé symbolise la fécondité et la fertilité.

Honorables Collègues Députés,

Dans l’existence du Conseil de l’Entente, je vois un deuxième signe, et c’est pourquoi nous devons nous investir pour que cette alliance institutionnelle et politique soit pérenniser et de renforcer : sachons donner à la pionnière de nos organisations sous-régionales, une nouvelle vie.

Ces derniers temps, elle était tombée dans une profonde léthargie et il a fallu les volontés conjuguées des Chefs d’État concernés, réunis à Niamey en décembre 2012, pour lui donner un second souffle, après qu’ait été ouvert dès 2011 à Cotonou, le vaste chantier de sa rénovation.

Les Présidents Boni Yayi et Alassane Ouattara étaient évidemment présents lors de ces importants rendez-vous de la relance du Conseil de l’Entente, au sein duquel nos Chefs d’État respectifs assument un rôle majeur, reprenant ainsi fidèlement le flambeau brandi par nos Pères fondateurs.

Ce qui me conforte dans ma détermination à faire en sorte que le Parlement que je préside puisse apporter une contribution significative à ce renouveau, c’est le fait que les plus hauts responsables politiques aient spontanément adhéré à l’idée que les dépositaires du pouvoir législatif doivent être étroitement associés à ce processus de redynamisation de notre Institution.
C’est d’ailleurs ici même, à Cotonou, que cette exigence a été exprimée pour la première fois, les Présidents des Assemblées des pays membres ayant, dès 2004, engagé une réflexion sur la promotion de la coopération inter parlementaire, en tant que vecteur privilégié pour une meilleure intégration entre nos pays.

Dans ce contexte, permettez-moi de mettre l’accent sur deux points qui me paraissent particulièrement importants :

Premier point : il s’agit pour notre Conseil, de ne pas se contenter de belles déclarations et de brillantes exhortations, mais de s’orienter vers des solutions qui changent effectivement les choses pour nos populations, ce qui veut dire que c’est pour nous tous une ardente obligation que de nous concentrer sur des projets concrets de développement intégré.

Une lecture superficielle de la situation pourrait nous donner à penser que les problèmes économiques importants sont du ressort d’Institutions telles que la CEDEAO, dont les moyens et le champ d’action sont sans commune mesure avec ceux du Conseil de l’Entente, qui ne devrait se consacrer qu’à de micro-projets de type ‘‘communautaire’’.

Mais, voyez-vous, j’ai l’impression que c’est exactement le contraire et voici pourquoi : quand il s’agit de grands chantiers qui marquent l’histoire et dont les réalisations perdurent indéfiniment dans nos mémoires, c’est d’un engouement et d’un engagement populaires sans précédent qu’il s’agit, c’est de forces rassemblées dont il est besoin, c’est d’enthousiasmes partagés dont il est question : construire les pyramides, la muraille de Chine, le Canal de Suez et celui de Panama, la Tour Eiffel, que sais-je encore…
Toutes les sociétés humaines ont besoin, pour s’inscrire sur le registre des merveilles de la civilisation planétaire, de concevoir et de construire ensemble une grande œuvre en laquelle elles reconnaissent leur propre génie et par lesquelles elles sont reconnues comme telles.

Et ce n’est donc plus, à ce moment là, de studieux cabinets d’architectes et de savants business plans dont il s’agit, mais bien d’une force populaire qui se projette vers un horizon qui n’appartient qu’à elle et qui donne un sens à sa propre histoire, telle qu’elle s’écrit comme un chapitre enluminé dans le grand livre de l’humanité.

Il en est ainsi, selon moi, de ce vaste projet de construction d’un arc ferroviaire, qui relierait, (je préfère dire « qui reliera ») Abidjan à Lomé, en passant par Bouaké, Ferké, Ouaga, Niamey et Cotonou.

Tel est le troisième signe, annonciateur de dynamisme et de modernité, comme le seront les valeureux ouvriers spécialisés qui gagneront cette nouvelle bataille du rail !

Ne faudra-t-il pas, Chers Collègues, une entente cordiale aussi étroite que confiante entre nos Présidents de la République et entre nos Présidents d’Assemblées nationales respectifs, pour que le ‘‘Train de l’Entente’’ puisse rouler un jour !

Ceci, en mon sens, permettra d’améliorer considérablement notre capacité de gestion intégrée de nos ressources, d’assurer notre indépendance énergétique et céréalière et d’apporter à nos populations des facilités de transport des personnes et des biens qui ont pour elles un nom sacré : liberté !
J’en arrive maintenant au second point :

Il consiste à mettre l’accent sur l’importance de notre capacité collective d’adaptation et sur nos aptitudes individuelles d’innovation.

Le monde change et de plus en plus vite, et c’est pourquoi toutes les ressources de notre imagination doivent être mobilisées, si l’on veut rester maître de la situation.

En voici une tragique illustration :

Qui aurait pu imaginer, il y a peu, que la priorité de nos préoccupations communautaires porterait aujourd’hui sur des questions d’ordre sécuritaire !

Je ne fais pas ici allusion à ces troubles politiques qui perturbent nos États en période électorale et qui semblent faire partie des maladies infantiles de la démocratie, mais à cette menace généralisée qui pèse aujourd’hui sur la stabilité régionale, depuis que des hordes de barbares massacrent les populations innocentes, avec une malsaine prédilection pour choisir leurs victimes parmi les plus faibles et les plus démunis : coupeurs de route devenus prophètes d’un jour, exécuteurs des volontés sanguinaires de serviteurs zélés et autoproclamés d’une hiérarchie de l’horreur et de la terreur !

Et nous voici arrivés au quatrième signe qui, pour notre plus grand malheur, ne nous interpelle que par la violence aveugle qu’il nous faut combattre.

Avec beaucoup d’amertume, nous en sommes réduits à faire la guerre à la guerre, à user de la violence pour lutter contre la violence, car le recours à la force est une extrémité à laquelle il faut bien se résoudre, quand on a pour adversaires d’irréductibles et incorrigibles ennemis de la justice et de la paix, et qui se sont spécialisés dans le rapt de jeunes filles et les supplices sacrificiels et médiatisés.

Cette riposte concertée qu’il nous faut préparer, je l’appellerai le bouclier sécuritaire, pour reprendre notre métaphore empruntée à la sphère.

Bien malgré lui, le Conseil de l’Entente s’est transformé en Conseil de guerre, mais ce n’est pas de notre fait et il a bien fallu s’y résoudre, car il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté !

En notre qualité de Parlementaires, notre travail ne consiste pas, cela va de soi, à donner des ordres aux responsables de nos forces de défense et de sécurité, mais à contribuer à analyser les situations et à faire des propositions qui aillent dans le sens de la protection des populations.

Notre responsabilité d’élus de proximité nous invite également, dans nos circonscriptions respectives, à sensibiliser nos concitoyens, à travers une communication transparente et ciblée, qui nous permette d’attirer l’attention des personnes les plus influençables, sur l’insidieuse propagande des extrémistes et des fondamentalistes.

Elle nous recommande enfin de ne pas considérer qu’il puisse exister des pays qui soient épargnés : le virus Boko Haram se propage partout, même dans les pays dont la tradition pacifiste est pourtant connue et appréciée.
La folie meurtrière de l’obscurantisme n’a ni barrières ni frontières et ce n’est qu’ensemble que nous parviendrons à l’éradiquer.

Soyons donc tous prêts, nous les membres du Conseil de l’Entente, pour donner l’exemple et nous préparer à une éventuelle confrontation courageuse avec cette nébuleuse qui nous menace mais qui, soyez-en persuadés, ne nous effraie pas suffisamment pour que nous cédions à la tentation de l’abdication et du renoncement.

En d’autres circonstances tout aussi tragiques, bien que plus circonscrites, les forces vives de la nation ivoirienne ont su apporter la preuve de leur détermination à entrer en résistance et à se rebeller contre tous ceux qui poursuivent le noir dessein de nous priver de notre dignité et de bafouer les fondements multiséculaires de notre fraternité.

Très honorable Président,
Très Chers Collègues Députés,

Le cinquième et dernier signe concerne la place qu’il convient d’assigner à l’être humain, au cœur de cette aventure fatale ou providentielle que lui assigne son destin.

Je ne vous cache pas qu’à certains moments, j’ai comme le sentiment que l’homme a quelques difficultés à assumer son humanité : au lieu de se prendre en charge et de relever avec courage et détermination les défis qui se présentent devant eux, nombreux sont ceux qui s’en prennent au monde entier.

Nous avons des difficultés, entend-t-on ici ou là, car la nature ne s’est pas montrée très clémente et très bienveillante à notre égard : ‘‘trop humide’’, dit l’Ivoirien, ‘‘trop aride’’, répond le Burkinabé ; ‘‘trop éloigné’’, se désole le Nigérien, ‘‘trop exposé’’, rétorque le Béninois !
En un mot, personne n’est satisfait et ces lamentations servent de prétexte pour ne rien faire et pour se dispenser de l’effort nécessaire pour nous tirer d’affaire.

Ce qui me frappe, Chers Collègues, quand je fais retour sur ces différents signes que j’ai évoqués, c’est que, finalement, beaucoup de choses dépendent de nous, ce qui revient à dire que nous ne dépendons pas tant des choses que de nous-mêmes !

– Cultiver notre jardin, sur les terres propices du bassin du Niger, cela dépend de nous !

– Faire du Conseil de l’Entente, le maillon fort de la coopération inter-africaine, cela dépend de nous !

– Construire jusqu’à son terminus le train de l’entente et rapprocher tous ces peuples qui s’assemblent parce qu’ils se ressemblent, cela dépend de nous !

– Créer une structure bilatérale paritaire qui réunisse les Commissions Sécurité Défense de nos deux Assemblées, qui puisse par la suite servir de matrice à la constitution d’une entité parlementaire sous régionale, résolument engagée dans la lutte contre le fanatisme et le fondamentalisme, cela dépend de nous !

Alors, cessons de nous en prendre à la nature, prétendument violente et inhospitalière : nous qui ne connaissons ni tsunami ni tremblements de terre !

Alors, cessons de nous cacher derrière le masque hideux des religions de la violence et du mensonge, nous qui pouvons-nous enorgueillir d’appartenir à une tradition de tolérance et d’œcuménisme : nous n’avons jamais eu à souffrir de l’extrémisme et des guerres de religions !

De plus en plus, une idée force s’impose donc à nous et la voici : l’homme est, ou plus exactement il doit être au cœur de notre projet de redynamisation de notre Conseil et de notre coopération.

Je veux conclure :

Comme le dit Oscar Wilde, « Le poids du monde est trop lourd pour qu’un seul homme le porte et la souffrance de l’univers trop cruelle pour un seul cœur » : soyons donc tous ensemble au rendez-vous glorieux de l’histoire nouvelle de notre continent et de notre sous-région.

Le bassin du Niger ? Ce sera le bel ouvrage patrimonial de l’aménagement harmonieux de nos territoires !

Le train de l’entente ? Je l’entends déjà siffler, et plus de 3 fois !

Le bouclier de sécurité ? Nos forgerons sont en train de le ciseler !

Et le Conseil de l’Entente enfin ? Pour le faire croître et prospérer dans sa plénitude, il nous suffit de nous entendre : à bon entendeur, salut !

Tout en vous remerciant de votre patience et de votre aimable attention, je formule le vœu que votre mandature soit à la hauteur de vos attentes et à la dimension de vos ambitions.

Porto Novo, le 15 juin 2015

Guillaume Kigbafori SORO,
Président de l’Assemblée nationale
de la République de Côte d’Ivoire

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