Ce Lundi 28 Janvier 2019,CHANTAL FANNY,Ambassadrice – Sénatrice- Maire de KANIASSO était l’invité des rendez-vous de la Presse organisé par l’Union National des Journalistes de Côte d’ivoire (l’UNJCI) avec pour Thème : ‘’ÉMERGENCE ET LEADERSHIP FÉMININ.
Voici comme suite sa déclaration liminaire:
Mesdames, Messieurs,
Chers confrères de la presse,
Mes chers confrères,
L’Afrique évolue, se transforme. On parle désormais d’émergence pour de nombreux Etats africains. Dans cette Afrique nouvelle qui est en train de se construire, un phénomène prend de l’ampleur, celui du rôle et de la place des femmes.
S’agit-il d’un phénomène nouveau ?
Non, bien sûr. Nombreuses sont les pionnières qui, dans tous les secteurs d’activité, ont ouvert la voie au leadership féminin.
Mais, on parle de « pionnières », comme s’il s’agissait de guerrières, de redoutables amazones qui nous feraient revivre l’histoire et la mythologie des anciens empires africains, ou des féministes sectaires.
Le « leadership féminin » est un phénomène global qui est le résultat de l’émancipation des femmes africaines et qui touche tous les secteurs d’activités humaines : la politique, l’économie, la culture.
Ces femmes ne sont ni des guerrières, ni de redoutables amazones, mais simplement des femmes engagées au service de leur pays, de l’Afrique et qui accèdent à des fonctions, des postes et des métiers qui, autrefois, leur étaient interdits par le poids de nos traditions ou de nos cultures.
Cette émancipation de la femme africaine passe par l’école. La « jeune fille africaine » ne doit pas demeurer la « petite bonne » de la maison, qui n’a aucune autre ambition que de rester femme au foyer…..
Aujourd’hui, le leadership féminin, en Afrique, est un phénomène irréversible qui doit être reconnu et développé afin de permettre aux femmes d’accéder en plus grand nombre à des postes de responsabilité dans les partis politiques, les ministères, les parlements, le milieu judiciaire, les médias, les associations et les entreprises publiques ou privées.
La femme africaine s’affirme, par la force de son engagement, par un niveau d’études de plus en plus élevé, par une compréhension du mode de fonctionnement du monde contemporain. Elle accède, par son travail, à des postes importants, dirige ou crée des start-up, des sociétés d’envergure mondiale.
Cet engagement, fait de passion et d’authenticité, participe à la transformation du regard que portent l’Occident, mais aussi les sociétés africaines sur la femme africaine.
Les femmes, qui représentent 60% de la population africaine, sont, au même titre que les hommes, les protagonistes du développement économique et social, juste et durable, dont l’objectif est l’atteinte de l’émergence.
Comment peut-on imaginer le progrès de nos sociétés sans un rôle accru des femmes ?
Dois-je rappeler que ce sont les femmes africaines qui travaillent le plus sur le continent, jusqu’au point où, si elles décidaient de cesser toute activité pendant une semaine, les économies de leurs pays s’effondreraient.
Il s’agit donc de rendre visible le travail des femmes et de garantir l’égalité d’accès à la formation, et de la rétribution salariale, au crédit et aux postes de responsabilité.
Dernier point et non des moindres : peut-on concevoir la démocratie sans la participation des femmes ?
Non, c’est inconcevable. Je l’ai dit plus haut, la contribution de la femme à l’édification de nos États se situe au plan politique, économique, culturel, etc. Je constate d’ailleurs aujourd’hui que de nombreux États africains mettent en place des politiques volontaristes afin de rendre formel le travail des femmes et leur faciliter l’accès aux sources de financement, qui leur permettent de développer des initiatives entrepreneuriales.
Ceci, en référence au Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire ( FAFCI) que dirige la première dame, Madame Dominique Ouattara, parce qu’il permet aux femmes de Côte d’Ivoire d’accéder à des ressources financières à coût réduit en vue de créer ou de renforcer des activités génératrices de revenus et aussi, de former et de sensibiliser les femmes sur la gestion des activités génératrices de revenus.
Mais, en Afrique, le genre reste trop souvent un obstacle lors de l’octroi de crédits aux PME, alors que le pourcentage des femmes à la tête de PME est très peu élevé, de l’ordre de 30 %, selon les pays.
Deux objectifs me semblent essentiels :
1- Poursuivre le travail de sensibilisation en faveur de l’égalité et de la participation accrue des femmes dans les domaines politique et économique ;
2- Faire évoluer les mentalités.
L’émergence d’un véritable leadership féminin moderne sur le continent africain n’est plus à démontrer. C’est une évolution qui transforme nos sociétés en modifiant les comportements.
Je pourrais évoquer le leadership féminin comme un héritage des traditions anciennes et faire référence aux amazones, cette armée de femmes au service du royaume du Dahomey (Bénin), à la princesse Yenenga, la cavalière Mossi farouchement indépendante (Burkina Faso),Abla Pokou, la reine Baoulé qui accepta de sacrifier son fils pour sauver son peuple (Côte d’Ivoire), etc.
Mais je préfère évoquer toutes ces femmes proches de nous, qui sont parties faire des études à Abidjan, en France ou ailleurs, et qui sont devenues diplomates, enseignantes, médecins, juristes, députés, ministres, ambassadrices, chercheurs, artistes…
Leur leadership, qui s’est étendu à tous les secteurs d’activités, doit nous inspirer. Elles ont ouvert la voie et nous encouragent à participer au développement de l’Afrique.
Est-il possible de faire un tel exposé sans évoquer mon expérience personnelle ?
C’est difficile car ce n’est jamais aisé de parler de soi-même. Je vais m’évertuer à ébaucher quelques lignes. Après mes études de sciences politiques au Canada, j’ai décidé de rentrer en Côte d’Ivoire pour me mettre au service de mon pays. J’ai créé le groupe Shanny Consulting qui avait plusieurs départements dont le plus connu était mes émissions de cuisine sous le label « Les Saveurs et délices de Shanny ». Pour mieux m’imprégner du b.a.ba de la production audiovisuelle, je me suis inscrite en DESS en communication et je suis aussi fière d’avoir validé mon diplôme et de faire partie de la grande famille de la communication.
Pour revenir aux émissions que j’ai conçues et produites, j’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à les animer parce qu’elles m’ont permis de faire partager ma passion aux Ivoiriens. Aujourd’hui, 20 ans après ma première émission, il y a encore des personnes qui m’interpellent et m’arrêtent en me demandant si c’est moi qui animais l’émission ?
Mais quand j’ai constaté que cette passion de présentatrice d’émission culinaire obstruait certains chemins, j’ai passé la main pour me consacrer à ma famille, à mes affaires et à ma carrière professionnelle.
Dieu merci, chemin faisant, j’ai été repérée par les autorités qui m’ont introduite dans le corps des diplomates vu mon cursus scolaire (Sciences politiques option Relations internationales) et qui m’ont aussi nommée comme conseillère spéciale à la Primature, conseillère spéciale au cabinet du président de l’Assemblée.
Mais je vous avoue que ce n’était pas facile car, de retour du bureau, Chaque soir, je restais connecté à mon ordinateur pour suivre mes affaires jusqu’à parfois 4h du matin, me laissant moins de 4h de sommeil par jour.
Vous savez, parfois, on regarde les gens de loin, on les envie, on a l’impression que tout leur est dû mais on n’imagine pas les sacrifices et tout ce qu’ils endurent pour en arriver à ce niveau de la société, mais c’est aussi la vie des personnes publiques, et je crois qu’il serait bon d’une manière ou d’une autre, de partager cette expérience avec le monde.
Concernant ma carrière politique, Les populations de Kaniasso, à la veille des municipales de 2013 ont décidé de porter leur choix sur ma personne pour la mairie de Kaniasso. Mon père y était maire et est mort en plein exercice. Ils m’ont choisie parce qu’ils ont estimé que j’étais parmi les cadres de la commune là mieux indiquée à ce moment-là pour succéder à feu mon père, l’ambassadeur Fanny Inza.
J’aime à dire que la mairie n’est pas un héritage de famille, mais c’est un héritage moral, parce que mon père m’a transmis l’amour de ses racines, de ses parents et de l’entraide, plutôt « le don de soi » tant prôné par le père fondateur Félix Houphouët Boigny. Mais honnêtement, se mettre au service de ses parents, il n’y a rien de plus exaltant même si ce n’est pas toujours facile.
En son temps, donc, quand on m’a proposé de me présenter aux élections municipales, j’ai catégoriquement refusé le poste. Plusieurs inquiétudes fondaient ma réticence. Moi, Une femme, chrétienne, maire dans cette région où 99,99% de la population est musulmane ? Je me posais des questions. Plusieurs médiations ont eu lieu en présence de certaines personnes présentes dans cette salle. J’ai fini par accepter d’être candidate à condition de ne pas battre campagne.
J’avais en face une dame qui est l’épouse d’un parent de mon père qui, même si c’est un parent éloigné porte le même nom que moi.
Fort heureusement, avec tout ce qui semblait ne pas pouvoir me porter à la tête de la magistrature communale, j’ai été plébiscitée.
J’ai choisi de me présenter aux élections législatives contre la volonté de mon parti et je me suis opposée au candidat du parti. Ce qui nous a défavorisés (le candidat du parti et moi) et a permis à « un tocard », comme le dit le jargon dans les courses de chevaux de me battre de 46 voix.
Dieu merci, il s’est rallié au parti. Mais cela m’a personnellement donné une leçon de vie, comme quoi « l’union fait la force » et qu’il est impératif si on est vraiment pour l’intérêt du plus grand nombre de parfois savoir accepter la décision du parti. D’où la question : comment intégrer dans les principes « la discipline du parti » ?
Je crois, aujourd’hui, qu’il faut préférer un choix opéré par nos mandants, même si on les juge mauvais, à un choix diabolique irréversible.
En conformité avec la constitution, les élections sénatoriales se sont bien passées. Pour ma part, j’ai été portée par l’ensemble des élus de la région du Folon comme leur candidate.
Mon élection en tant que sénatrice n’est que l’aboutissement de la convergence de plusieurs facteurs dont je vous épargne les détails, mais je veux profiter de l’occasion qui m’est offerte pour leur témoigner toute ma gratitude avec une pensée affectueuse et fraternelle aux élus du Folon et, plus particulièrement à notre « doyen » des élus comme j’aime à l’appeler le professeur Vally Sidibé.
Aux élections municipales, je me suis représentée cette fois parce que les femmes et les jeunes me l’ont demandé. J’avais en face quatre hommes que j’ai battus dans les urnes. Dans l’exercice de mes responsabilités, j’ai découvert de vastes chantiers dont le plus important est la scolarisation de la jeune fille et l’accès au soin de santé de proximité.
J’en ai fait une priorité parce qu’il faut donner une égalité de chance à tous les enfants.
J’ai été élue en avril 2013 et nous avons eu notre première ‘’6ème ‘’ en Septembre 2013. Cela était une volonté personnelle et j’y ai mis tout mon cœur et mon argent personnel pour construire ce collège de proximité afin d’atteindre cet objectif. Je veux ici, en témoignage, remercier la seule personne qui, pendant la construction de cet établissement, m’a assistée en me donnant 10 tonnes de ciment. Je veux citer le maire DIABY Lancina DG, du FER.
Point de vue santé, des amis de l’extérieur m’ont aidée à équiper le centre de santé urbain de Kaniasso. Nous continuons afin de l’ériger en hôpital général digne d’un hôpital de chef-lieu de département. Nous pouvons dire avec fierté que nous avons le seul cabinet dentaire de la région du Folon.
Pour ne pas être longue, je ne citerai pas ici tout ce qui a été fait, mais vous devez savoir que nous avons bâti un leadership dans cette région où ce n’est pas toujours facile pour une femme.
Quand on dit ce n’est pas facile pour les femmes, je veux dire que nos propres ennemis dans cette émancipation des femmes ne sont pas nos parents du village, mais les soi-disant intellectuels, cadres, tapis dans l’ombre au Sud ici dans la capitale économique.
Le couronnement de tout ce processus, c’est ma nomination en tant qu’ambassadrice. C’est le lieu pour moi d’exprimer ma profonde gratitude à son excellence, le président Alassane Ouattara et à son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly pour cette marque d’estime et de considération à mon égard, mais surtout pour la reconnaissance de mes capacités intellectuelles et de mon leadership féminin.
J’aimerais, pour finir, inviter toutes mes sœurs à se battre pour cette émergence que nous souhaitons tous pour notre pays.
Pour ce faire, j’ai créé le Réseau des Femmes Leaders, qui a pour vocation de révéler en chacune des femmes ivoiriennes et des femmes africaines, leurs capacités et leur leadership. Nous y reviendrons très prochainement et je veux pouvoir compter sur vous, chers confrères de la presse, mais surtout cher collègue, pour m’aider à promouvoir ce réseau.
Je refuse qu’on m’assimile à une féministe, ce que je ne suis pas, mais je veux œuvrer pour qu’on évite d’étouffer le leadership féminin, car derrière un grand homme il y a une femme et donc reconnaissons que ce sont les femmes qui dirigent le monde.
Arrêtons de nous confiner dans des stéréotypes de femmes à la cuisine, femmes au foyer, femmes de reproductions…
Pour y parvenir, j’invite les femmes de ce pays à être les tambours-majors de cette quête. Simone de Beauvoir l’a dit : « Dieu a réussi l’Homme dans sa perfection quand il a créé Eve : la femme. »
Je vous remercie.
Chantal FANNY