Monsieur le Président de la FACACI,
Mesdames et Monsieur les journalistes !
Je voudrais, au nom de l’ensemble des membres du Collectif des acquéreurs de l’opération AGEF-BLANCHON et en mon nom personnel, vous souhaitez la bienvenue à cette conférence de presse et vous exprimer nos vifs remerciements pour votre forte présence.
Mon propos liminaire s’articulera autour de quatre (4) points.
Je commencerai par vous faire un bref historique de l’affaire pour permettre à tous les participants d’être au même niveau d’information.
Je continuerai ensuite en présentant les principaux protagonistes. J’évoquerai par la suite les conséquences de la situation pour les acquéreurs et leurs familles.
Je terminerai en partageant avec vous notre vision anticipative de la tournure que pourraient prendre les évènements.
I – BREF HISTORIQUE DU DOSSIER
1- Les faits
Nous sommes dans les années 2015-2016 lorsque l’Agence de Gestion Foncière (AGEF), une société à participation financière publique propriété de l’Etat de Côte d’Ivoire, lance à grand renfort de publicité un projet de cession de 178 terrains viabilisés dénommé « Opération Blanchon » dans la commune de Bingerville.
Ces terrains étaient proposés à un coût oscillant entre 55 000FCFA et 65 000FCFA le mètre carré.Rassurés par son appartenance à l’Etat ivoirien, de nombreux ivoiriens vivant en Côte d’Ivoire et de la diaspora, ont fait confiance à l’AGEF en souscrivant massivement à ce projet.
Ils ont donc signé des documents contractuels par lesquels ils s’obligeaient à régler les prix de leurs terrains respectifs dans un certain délai pour une mise à disposition en début d’année 2017 au plus tard. Les souscripteurs ont effectivement acquitté le montant convenu à bonne date.
Depuis les premières souscriptions en octobre 2015 jusqu’à ce jour, cela fait pratiquement huit (8) ans que les acquéreurs attendent de rentrer en possession de leurs biens.
2- L’évolution de la situation
Devant l’inertie et l’opacité observée par l’AGEF, les souscripteurs ont entrepris de se regrouper pour défendre leurs intérêts communs. C’est ainsi que notre collectif a vu le jour en novembre 2011. Dès sa mise sur pied, le Collectif a adressé plusieurs demandes d’audiences à l’AGEF et au Ministère en charge de la Construction pour mieux comprendre le problème.
Il a aussi envoyé des courriers d’information et de demande d’intervention à de nombreuses hautes autorités de notre pays.
Toutes ces actions sont restées sans suite.Face à cette situation, la décision a été prise d’animer une conférence de presse, en coordination avec la Fédération des Consommateurs Actifs de Côte d’Ivoire (FACACI), le jeudi 10 février 2022.
Au cours de cette conférence de presse, la FACACI a pris fait et cause pour notre situation, de sorte que les deux organisations ont convenu collectivement d’organiser une grande marche de protestation sur le siège de l’AGEF.
Plus qu’une simple action de défiance, cette marche se voulait l’expression du profond désarroi et de frustration profonde de nos membres qui ne pouvaient plus accepter d’attendre vainement ce qui leur est dû depuis plusieurs années.
Mesdames et Messieurs les journalistes
!L’annonce de la marche de protestation sur le siège de l’AGEF pour réclamer la mise à disposition de nos parcelles a contraint la Direction générale à nous recevoir le 24 février 2022 dans ses locaux sis à Angré.
A cette rencontre, l’AGEF a plaidé auprès du Collectif pour que les acquéreurs acceptent d’observer une trêve de cinq (5) mois, le temps de lui permettre de travailler à la résolution du problème.
A la fin de cette trêve, aucune avancée significative n’avait été obtenue. C’est ainsi que le Collectif a co-animé une seconde conférence de presse avec la FACACI le 05 juillet 2022 ; conférence au cours de laquelle nous avons fait l’annonce de l’organisation d’un sit-in de protestation devant les locaux de l’AGEF les 18, 19 et 20 juillet 2022.
Cette annonce a obligé le Ministère de la Construction et l’AGEF à recevoir les acquéreurs le 15 juillet 2022.
Au sortir de cette importante rencontre sanctionnée par un procès-verbal, l’AGEF et sa tutelle nous ont assuré de mettre tout en œuvre pour une remise de nos terrains avant le 31 décembre 2022.
Mesdames et messieurs les journalistes,
c’est donc la mort dans l’âme que les acquéreurs se sont rendu à l’évidence : le Ministère de la Construction et l’AGEF ont une fois encore fait du dilatoire et abusé de notre confiance.
Nous sommes donc face à une arnaque savamment organisée pour spolier nos membres de leurs terrains. Au fil du temps, le Collectif a réuni assez d’informations qui lui ont permis d’avoir une connaissance claire des principaux acteurs impliqués dans cette entreprise funeste.
II – LES PRINCIPAUX ACTEURS EN JEU
1- L’Agence de Gestion Foncière de Côte d’Ivoire (AGEF-CI)
L’AGEF est une société anonyme à participation financière publique qui est le vecteur principal de mise en œuvre de la politique foncière de l’Etat de Côte d’Ivoire.
C’est elle qui porte le projet Blanchon pour lequel nous avons souscrit. En juillet 2021, M. DANHO Pierre Nandjui, le Directeur général par intérim à cette époque, a adressé à chaque acquéreur une note d’information personnalisée pour le rassurer de l’appartenance du site à son institution et l’a assuré de ce qu’il était à pied d’œuvre pour accomplir les diligences nécessaires à une livraison des lots acquis dans les meilleurs délais.
Malheureusement, M. DANHO n’avait pas eu le temps de réaliser sa promesse qu’une nouvelle Directrice générale est nommée en août 2021.
Nous insistons pour dire malheureusement car la nouvelle Directrice générale n’a rien fait pour l’avancée du dossier ; au contraire, elle nous démontre chaque jour son incapacité et son incompétence à résoudre cette situation qui n’a que trop duré.En effet, à aucun moment, Mme Melei ANIKPO et ses collaborateurs, n’ont pu démontrer leur capacité et leur intérêt à apporter des solutions transparentes aux nombreux dossiers en souffrance, notamment le dossier Blanchon qui nous concerne particulièrement.
Pour preuve, dès notre première négociation, la Directrice des Affaires juridiques et du contentieux a jeté l’éponge, nous laissant entre les mains d’un Directeur technique qui ne sait même pas situer un terrain sur une carte.
La Directrice générale a quant à elle adopté la stratégie de la chaise vide, prétextent d’une prétendue indisponibilité chronique pour ne pas assister aux réunions entre sa structure et le Collectif, nous laissant entre les mains de ses sous-fifres en panne de solutions.
Au cours de la dernière réunion avec le Directeur de Cabinet du Ministère de la Construction tenue à la salle de Conférence dudit ministère le 12 janvier 2023, elle a même clairement confessé son incapacité à rentrer en contact avec une banque de la place qui aurait constitué sur le site de Blanchon, donc sur nos terrains, une hypothèque d’une créance de trois milliards deux cent millions (3 200 000 000) de nos francs contracté par l’AGEF.
Malgré ses nombreuses demandes, notre Collectif n’a jamais obtenu la communication de la part de Mme Melei ANIKPO des documents relatifs à l’emprunt et à l’hypothèque y lié. Tout porte à croire que nous avons affaire à une transaction aux contours aux contours lugubres dont l’AGEF est familière.
A l’écouter, elle n’aurait aucune légitimité auprès de la banque qui refuserait de la recevoir ou de lui mettre une quelconque information relative à cette transaction en cause qui serait pourtant censé engager la structure qu’elle dirige.
C’est pourquoi, le Collectif salue l’implication, certes tardive, mais porteuse d’espoir du Ministère de la Construction du Logement et de l’Urbanisme.
2- Le Ministère de la Construction du Logement et de l’Urbanisme
Les acquéreurs sont conscients que le Ministre KONE Bruno, dont ils connaissent l’efficacité à résoudre les problèmes des structures placées sous sa tutelle, n’a certainement pas reçu la bonne information sur notre dossier de la part de la Direction générale de l’AGEF et de certains de ses collaborateurs.
Pour mémoire, face à notre menace d’organiser un sit-in devant l’AGEF, le Ministre a dépêché à l’époque son Conseiller Technique qui nous a fait de belles promesses le 15 juillet 2022, mais qui sont restées lettre morte.
C’est aussi avec déception que les acquéreurs ont écouté le Directeur de Cabinet le 12 janvier 2023, visiblement mal informé du dossier, à qui la Directrice générale voulait confier la tâche de les convaincre du remboursement des montants payés pouvoir achever sa forfaiture avec la banque concernée.
Mais chers amis de la presse, comment comprendre qu’une structure qui peine à rembourser un montant de 3,2 milliards depuis des années peut subitement trouver les ressources nécessaires pour rembourser près de 7 milliards hormis les dommages et intérêts éventuels à des acquéreurs.
Nous disons non à cette nouvelle moquerie de l’AGEF pour réclamer immédiatement la remise de nos parcelles acquis au prix de nombreux sacrifices.
Nous estimons qu’il est plus facile de rembourser 3,2 milliards que plus de 7 milliards. Ne dit-on pas que qui peut le plus peut le moins?
C’est pourquoi le Collectif prie Monsieur le Ministre KONE Bruno à se saisir de ce dossier aux conséquences sociales énormes pour des citoyens ivoiriens d’ici et de la diaspora.
Lors de la rencontre du 12 janvier 2023, le Collectif par la voix de son Président a humblement demandé à Monsieur le Directeur de Cabinet de se faire leur porte-voix auprès de Monsieur le Ministre KONE Bruno.
3- La BSIC
Lors des différentes négociations avec l’AGEF, il nous a été rapporté que les filiales ivoirienne et togolaise de la BANQUE SAHELO-SAHARIENNE POUR L’INVESTISSEMENT ET LE COMMERCE (BSIC) seraient bénéficiaires d’une garantie hypothécaire sur notre site pour un montant de 3,2 milliards FCFA.
Cependant, outre le fait que cette hypothèque ait été constituée sans l’accord des acquéreurs, nos informations font état de ce que sa constitution serait entachée de beaucoup d’irrégularités.
Au nombre de ces irrégularités, on peut noter le fait que le prêt ait été contracté et l’hypothèque constituée par le DG sans l’implication de son conseil d’administration alors même que l’accord exprès de celui-ci est requis pour de tels actes ainsi que le stipulent clairement les textes de l’AGEF.
La BSIC aurait-elle effectivement prêté de l’argent à l’AGEF ?
Les traces de cette transaction existent-elles dans les documents comptables de l’AGEF ?
Qu’est-ce qui a effectivement été fait de cet argent ?
L’ancien DG aurait-il utilisé cet argent à ses propres fins ?
Ce prêt ne figure-t-il pas parmi les opérations délictueuses l’ayant conduit en prison ?
Pourquoi donné en hypothèque des biens régulièrement cédés ?
Telles sont les questions que les acquéreurs se posent aujourd’hui et pour lesquelles ils peinent à avoir des réponses appropriées.
Il paraît donc dans l’intérêt de la BSIC d’accepter la proposition de remboursement à elle faite par l’AGEF pour ne pas risquer une confrontation avec notre Collectif, confrontation aux conséquences imprévisibles au vue de la détermination des acquéreurs.
III- LES CONSEQUENCES SUR LES ACQUEREURS ET LEURS FAMILLES
Le non-respect par l’AGEF de son obligation de livraison entraîne des conséquences incalculables pour les acquéreurs et leur famille qui se trouvent ainsi plongés dans une précarité à la fois financière et sociale.
Il est indéniable que le deal mafieux intervenu entre l’AGEF et la BSIC a des conséquences financières terribles pour les acquéreurs.
Nombreux sont ceux qui ont engagé leurs économies et contracté des crédits bancaires pour pouvoir respecter les délais de paiement. Ils se retrouvent donc en train de payer des loyers, en même temps qu’ils doivent assurer le remboursement des prêts contractés.
La situation est encore plus dramatique pour ceux d’entre nous qui ont fait valoir leur droit à la retraite et se retrouvent ainsi dépourvus de revenus salariaux.
La galère dans laquelle se trouvent bon nombre d’entre nous est indescriptible et le pire est à craindre. Certains souscripteurs ont vu dans le projet Blanchon une occasion unique d’offrir un toit décent à leurs familles qui se retrouvent aujourd’hui à la rue.
D’autres, éprouvés qu’ils sont par la maladie, perdent chaque jour un peu plus espoir de profiter du fruit de leur labeur.
Le plus dur est que les acquéreurs sont en passe, si ce n’est déjà le cas, de perdre toute confiance en l’Etat de Côte d’Ivoire, leur Etat, dont les préposés sont à l’origine de leur malheur.
Comment continuer à faire confiance en un Etat qui laisse ses préposés abuser des honnêtes citoyens en toute impunité ?
Comment demander à des citoyens d’éprouver le même sentiment de confiance qui les a poussé à souscrire à un projet qui s’avère être un gros traquenard ?
L’Etat se doit de réagir pour protéger ses citoyens qui ont pas travaillé durement pour s’offrir un terrain en espérant y bâtir leurs résidences pour se voir spolier de la sorte.
IV- LES PERSPECTIVES
Au chapitre des perspectives, nous voulons interpeller chacun des acteurs sur la responsabilité qui est la leur dans le dénouement de cette crise.
1- Les exigences des souscripteursLes souscripteurs soupçonnent et dénoncent une arnaque savamment orchestrée par l’AGEF et la BSIC.
Aussi, réclament-ils la mise à disposition immédiate de leurs terrains. Le message est clair : ils ne veulent rien d’autres que leurs terrains qui sont du reste disponibles, viabilisés, prêts à l’emploi.
Le Ministère de tutelle et l’AGEF se doivent de trouver rapidement les moyens pour désintéresser la banque, tout autre alternative n’étant pas envisageable.
A la BSIC, nous voulons rappeler à ses dirigeants qu’ils savent très bien les conditions de départ de l’ancien Directeur général. Nous ne voulons pas rentrer dans les détails de cette transaction à l’heure actuelle.
C’est pourquoi nous leur demandons simplement, dans leur intérêt et celui de tous, d’accepter les propositions de remboursement de l’AGEF et sa tutelle.
Ils doivent savoir notre détermination à ne pas transiger sur ce qui nous revient de droit.
2- L’appel à la mobilisation générale des acquéreurs
Le Bureau du Collectif des Acquéreurs de Bingerville-Blanchon demande à tous les acquéreurs de se tenir prêts pour les batailles à venir.
Il les encourage à une mobilisation générale tant à leur niveau qu’au niveau de leurs familles respectives pour se dresser comme un seul homme contre cette imposture de l’AGEF et de la BSIC.Notre force réside dans notre nombre :
ce sont près de 1780 personnes qui sont impactées par ce projet, si nous retenons au moins 10 personnes par ménage.
Elle réside également dans la justesse de notre combat.
3- L’appel au Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire et à l’opinion nationale
Les souscripteurs de Blanchon sollicite humblement du Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, avec à sa tête le Premier Ministre Patrick ACHI, de se pencher sur le sort de ses administrés qui ont eu tort de faire confiance à une structure étatique pour mieux loger leurs familles.
Si l’on ne peut plus faire confiance à l’Etat à travers ses démembrements, à qui d’autre ou à quelle autre structure peut-on croire encore ?
Nous prenons l’opinion nationale à témoin afin qu’elle puisse constater ce qui se passe aujourd’hui à l’AGEF.
4. A la presse et aux influenceurs
Nous leur demandons de se faire les ambassadeurs de notre noble cause. Leur appui est précieux pour sensibiliser nos gouvernants et l’ensemble de nos concitoyens sur l’injustice que nous subissons et qui n’est malheureusement pas un cas isolé.
Le minimum que l’on puisse faire c’est de dénoncer en ayant à l’esprit cette citation du pasteur allemand Martin Niemöller : « Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.Puis ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. »
Je vous remercie !
Pour le collectif
Le Président M. Sylvain KPAN