FAIBLE ENREGISTREMENT DE NOUVEAUX ÉLECTEURS ET ÉLECTRICES
Abidjan, le 24 juillet 2015
La Plateforme de la Société Civile pour l’Observation des Elections en Côte d’Ivoire (POECI), organisation non partisane et spécialisée sur les questions d’observation électorale et de promotion de la démocratie, a entamé le 1er juin 2015 ses activités d’observation de la révision de la liste électorale. 102 observateurs et observatrices ont été répartis dans 31régions et 2 districts autonomes, 67 départements, 94 sous-préfectures, 96 communes et 402 centres d’enregistrement sur l’ensemble du territoire ivoirien avec pour obligation d’observer chaque jour 102 centres. Les observateurs remontent les données en temps réel par SMS après avoir rempli des fiches d’observations et des grilles d’incidents.
Synthèse
L’opération de révision de la liste électorale de 2010 qui a débuté le 1er juin 2015 devrait prendre fin le 30 juin 2015. Sur proposition de la Commission Électorale Indépendante, elle a été prolongée au 12 juillet 2015 par le gouvernement par le décret n°2015-474 du 30 juin 2015 portant prolongation de la période de révision de la liste électorale jusqu’au 12 juillet 2015. Cette décision a permis d’enrôler plus d’ivoiriens et d’ivoiriennes.
En effet, la CEI avait au 30/06/2015 enrôler 175 676 nouveaux électeurs puis au 12/07/2015, 334 788 en Côte-d’Ivoire. Toutefois ces données restent largement en deçà des estimations initiales de près de 3.000.000 de potentiels nouveaux électeurs à enrôler. Par exemple pour Abidjan, seulement 217.129 personnes se sont déplacées dans les centres de recensements dont 140,339 de la catégorie 1 pour des changements et 76,790 de la catégorie 2 comme de potentiels nouveaux électeurs.
En effet, le processus de révision de la liste électorale a été émaillé par des difficultés d’ordre administratives liées à l’acquisition et à la disponibilité des pièces d’identité notamment le certificat de nationalité et la Carte nationale d’identité devant permettre aux populations désireuses de faire recenser. La mission d’observation de la POECI note également une mobilisation tardive autour du processus aussi bien par l’administration territoriale que des partis politiques.
Les activités de communication de masse et de proximité ont été insuffisantes pour accompagner une telle campagne de mobilisation des citoyennes et citoyens à accomplir leurs devoirs civiques. Aussi, la période choisie pour une telle opération n’était pas suffisamment propice à cause des pluies, des activités champêtres et des examens de fin d’année pour de nombreux jeunes concernés par cette opération.
Enfin, la mission d’observation de la POECI note une légère affluence des centres de recensements à la clôture de l’enrôlement avec une moyenne de 381 requérants ou requérantes dont 142 femmes par centre de recensement observé. Cette opération s’est déroulée dans un climat sociopolitique globalement apaisé, sans incident majeur susceptible d’entacher son déroulement ou de porter atteinte à la crédibilité du processus de révision de la liste électorale.
Conclusions de l’observation de la révision de la liste électorale
L’opération de la révision de la liste électorale, étape importante en vue de l’organisation de l’élection présidentielle a démarré le lundi 1er Juin 2015 et a pris fin le 12 juillet 2015 après une prolongation.
La POECI a déployé 102 observateurs/observatrices et 10 superviseurs/superviseures sur l’ensemble du territoire national. Un dispositif de quartier général installé à Abidjan et une plateforme technologique a reçu les données provenant des 408 centres de recensement fixes observés pendant ces 6 semaines de recensement.
La mission d’observation de la POECI a constaté que l’opération dans les localités où ses observateurs étaient présents s’est déroulée dans un climat sociopolitique apaisé, sans incident majeur susceptible d’entacher son déroulement ou de porter atteinte à la crédibilité du processus de révision de la liste électorale.
Nonobstant ce qui précède, il convient de relever que près de 210 incidents sont survenus dans certaines localités en présence des observateurs de la POECI, dont 168 pendant la période allant du 1er au 30 juin 2015 et 42 du 1er au 12 juillet 2015. Ainsi, durant la période de prolongation de deux semaines, ces incidents se répartissent comme suit : fermeture imprévue de centre (8), centres mobiles (11) centres délocalisés (4) centres non ouverts (6) autorisation de se faire enregistrer sans les documents (4) Ouverture tardive de centre (2) et refus de collaborer (1).
Pour ce qui concerne l’ouverture des centres de recensement, les données recueillies sur le terrain sur les 408 centres couverts par nos observateurs, 91% des centres ont ouvert à l’heure entre 8h et 8h30 et seuls 9% ont connu du retard et ouvraient après 8H30. Cette situation a été observée en raison du retard pour la mise en place du dispositif pour le recensement ou du retard des agents électoraux.
La mission d’observation de la POECI note également que les procédures et le mode opératoire de révision de la liste électorale de 2010 ont été appliquées de manière uniforme à 94% aux requérantes et requérants qui se présentaient dans les centres de recensement. Seulement 6% des centres de recensement où les procédures n’étaient pas appliquées de façon uniforme pour des raisons d’insuffisance de formation et d’information et surtout de communication sur l’utilisation du certificat de nationalité sécurisé ou non. L’utilisation du matériel par les opérateurs techniques a été parfaitement maitrisé à 97% malgré quelques difficultés constatées dans certains cas notamment la batterie souvent déchargée et qu’il fallait remplacer ou recharger dans des lieux dépourvus d’électricité. Il convient de souligner la bonne tenue des kits informatiques sur toute l’opération.
En outre, la mission d’observation de la POECI relève un accent sur la participation des femmes comme agent de recensements avec une moyenne de 78% des centres de recensements couverts qui avaient au moins une femme. La participation des femmes au niveau des requérantes s’est chiffrée à une moyenne de 73 femmes sur 200 requérants au cours de cette activité de révision de la liste électorale soit 36,5%.
La mission d’observation de la POECI constate que 12% des centres de recensements couvets ne sont pas accessibles aux personnes souffrant d’handicap car situés le plus souvent en hauteur ce qui ne permet pas à ces personnes d’y accéder aisément.
La mission d’observation de la POECI observe également que les partis politiques étaient quasi absents pour surveiller le processus de révision de la liste électorale. Seuls des délégués des partis politiques tels que le PDCI et le RDR ont fait des visites dans les centres de recensement couverts par les observateurs de la POECI. Il convient d’attirer l’attention des partis politiques à s’engager davantage à la surveillance du processus à travers une participation efficiente de leurs délégués, ce qui leur permettrait de faire des contributions basées sur des faits en vue de l’amélioration du processus de révision de la liste électorale.
La mission d’observation de la POECI déplore que les activités de sensibilisation aient été tardivement mises en place par la Commission Électorale Indépendante à travers les Organisations de la Société Civile et au niveau des médias mais ont largement contribué à rehausser l’affluence des requérantes ou requérantes les dernières semaines de la révision de la liste électorale.
Recommandations :
Au regard de ce qui précède, la POECI fait les recommandations qui suivent :
Au vu des ressources humaines, matérielles et financières mobilisées, il est important de constater que la révision de la liste électorale de 2010 n’a pas connu le succès escompté. La participation de tous les ivoiriennes et des ivoiriens au processus électoral est un gage de vitalité démocratique et de renforcement de la légitimité des institutions. La Côte d’Ivoire ne peut pas faire l’économie de cela, après la crise poste électorale. Il revient au gouvernement et à la CEI de rassurer les populations et citoyens et de les mobiliser à garantir un scrutin libre, transparent, inclusif et démocratique ;
– Aussi, la modernisation de l’état civil ivoirien apparait comme un enjeu important auquel le gouvernement doit s’atteler et réaliser au plus vite afin de doter notre pays d’un fichier d’état civil sur lequel la CEI devrait produire une base du fichier électoral, permettant de réaliser des économies substantielles ;
– La mobilisation de toute l’administration au côté de la CEI est gage de succès des opérations de révision de la liste électorale et du cycle électoral en soi. L’implication totale de l’administration préfectorale est à encourager et à faciliter pour le succès des prochaines élections.
Au gouvernement et à l’administration
– Rendre gratuites toutes les opérations de délivrance de pièces d’identité dans le cadre de la révision de la liste électorale, en vu de se faire enregistrer sur les listes électorales ;
– Faciliter une meilleure collaboration entre les secteurs de la justice et de l’administration territoriale afin de faciliter la délivrance des certificats de nationalité et des cartes nationale d’identité actuellement en « souffrance » dans les différentes administrations dans les délais requis avant la distribution des cartes d’électeurs et le jour du scrutin ;
– Renforcer la présence et le déploiement du personnel judiciaire dans les administrations pour accélérer la délivrance des certificats de nationalité ;
– Décentraliser l’établissement des cartes d’identité au niveau des communes et sous-préfectures, en vue de permettre aux populations de rapprocher les lieux de délivrance des populations ;
– Doter l’Office National d’Identification (ONI) de moyens conséquent en vue d’assurer la délivrance des cartes nationale d’identité de façon continue accélérée et permanente.
A la Commission Électorale Indépendante
– Mener des activités de sensibilisation et d’éducation civique électorale sur le terrain au moins deux mois avant la révision de la liste électorale et renforcer ces activités pendant le déroulement de l’opération ;
– Impliquer les leaders communautaires, religieux, traditionnels et l’administration préfectorale, dans la sensibilisation, l’éducation civique et électorale;
– Renforcer la communication de masse par l’utilisation des langues locales et des radios privées non commerciales pour une meilleure information des populations ;
– Encourager les femmes à une plus grande participation à travers les sensibilisations et l’éducation civique électorale mais aussi par la facilitation de l’accès aux documents administratifs d’identité. La POECI encourage vivement cette participation des femmes à se manifester lors du recrutement des agents électoraux pour le jour du scrutin ;
– Promouvoir à l’échelle des Commissions électorales locales des actions de proximité de mobilisation des populations ;
– Tenir compte des spécificités des personnes en situation de handicap dans le déroulement, dans toutes les localités des opérations de révision de la liste électorale et de vote ;
– Engager une réflexion et revoir la loi électorale concernant le convoyage d’électeurs et électrices organise par certain leaders politiques et qui peut fausser le jeu démocratique.
Aux partis politiques et aux candidats
– S’impliquer de manière plus visible dans le suivi du processus de révision de la liste électorale notamment à travers l’observation des processus et la sensibilisation des militants ;
– S’engager dans la révision du code de bonne conduite des partis politiques, des groupements, forces politiques et des candidats aux élections en Côte d’Ivoire ;
– Adopter et mettre en œuvre des programmes de formation des militants et militantes au civisme et à la culture de la paix.
A la presse et aux medias
– Accompagner les autorités publiques et la Commission Électorale Indépendante dans la sensibilisation et l’information civique des populations pour favoriser la tenue d’élections apaisées;
– Traiter de manière impartiale et dans le respect des règles de la déontologie et l’éthique les informations en rapport avec la campagne électorale à venir pour le déroulement pacifique de la suite du processus électoral.
Conclusion :
La POECI appelle tous les acteurs et toutes les parties prenantes du processus électoral à accroître leurs efforts de sensibilisation des populations sur l’importance des élections à venir dont le déroulement apaisé permettra à la Cote d’Ivoire de sortir du cycle de violences électorales et renforcera la légitimité de ses institutions.
La POECI, quant à elle a engagé des jeunes cybers actifs à mobiliser sur les réseaux sociaux en libellant des messages de paix et de non-violence.
La POECI entend renforcer ses activités de médiation auprès des partis politiques et des candidats pour des élections apaisées.
La POECI remercie la Commission électorale indépendante pour sa franche collaboration avec les organisations de la société civile engagée dans l’observation du processus électoral et la sensibilisation.
La POECI se félicite de la prise en compte de ses observations et recommandations lors de la révision de la liste électorale.
La POECI invite les ivoiriennes et ivoiriens à vérifier leurs noms sur les listes électorales lorsqu’elles seront affichées et à participer massivement aux prochaines élections dans un climat apaisé.
La POECI exhorte les partis politiques à former leurs militants et militantes au civisme et à la culture de la paix gage de l’acceptation des résultats issus des urnes sur l’importance des élections apaisées ;
La POECI encourage les partis politiques et les candidats à signer à nouveau et à appliquer le code de bonne conduite initié par la CEI et le NDI.
L’observation du recensement des électeurs et électrices bénéficie de l’appui financier de l’agence américaine d’aide au développement (USAID) et de l’appui technique du National Democratic Institute for International Affairs (NDI).
Nous vous remercions !